UberPOP, VTC, taxis : la guérilla médiatique et judiciaire

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éléphone mobile le 17 juin 2015 à Paris (Photo : THOMAS OLIVA)

[24/06/2015 08:28:17] Paris (AFP) L’Américain Uber s’affranchit-il des lois avec son service UberPOP? Jugée totalement “illégale” par le gouvernement, vécue comme une provocation par les taxis, l’application pour téléphone mobile continue néanmoins d’exister.

Question: UberPOP, c’est quoi?

Réponse: Un service de transport entre particuliers développé par la société américaine Uber via sa populaire application pour téléphone mobile. Cette application a tué le monopole des taxis en mettant au départ uniquement en relation passagers et voitures de transport avec chauffeur (VTC).

Uber revendique en France un million d'”utilisateurs réguliers” de son application, dont 400.000 qui recourent à UberPOP. C’est ce service à prix cassés qui est dans le viseur des autorités et essuie les critiques virulentes à la fois des VTC et des taxis. Car les chauffeurs d’UberPOP sont des particuliers qui ne paient ni cotisations sociales ni impôts. Ils n’ont pas non plus suivi les 250 heures de formation nécessaires pour obtenir un agrément VTC et ne sont pas assurés professionnellement.

Le ministre de l’intérieur a dû lancer mardi un “appel au calme” après plusieurs agressions de chauffeurs UberPOP.

Q: Ce service est-il illégal?

R: Oui selon le gouvernement et les préfets qui l’ont interdit dans plusieurs départements (Gironde, Bas-Rhin, Nord, Bouches-du-Rhône, Loire-Atlantique, Rhône).

Ni VTC, ni covoiturage, “UberPOP est en situation d’illégalité absolue”, a insisté mardi le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve.

En vertu de la loi Thévenoud votée en octobre 2014, il est interdit de proposer une prestation de transport routier “à titre onéreux” si l’on n’est pas enregistré comme chauffeur de taxi ou VTC.

“Ceux qui organisent ce système” sans respecter les règles sont passibles de “deux ans d’emprisonnement et 300.000 euros d’amende”, a rappelé récemment le secrétaire d’Etat aux Transports, Alain Vidalies.

Les conducteurs encourent eux des sanctions pouvant aller jusqu’à 1 an de prison, 15.000 euros d’amende, suspension du permis et confiscation du véhicule.

Le gouvernement fait état de plus de 420 procédures depuis janvier contre des chauffeurs UberPOP. Des chauffeurs utilisant des applications concurrentes (Heetch, Djump) ont également été épinglés.

A Paris, une centaine de condamnations à des amendes ont été prononcées.

Q: Le droit est-il si clair? la justice n’a-t-elle pas donné parfois raison à Uber?

R: Uber, qui conteste la constitutionnalité de la loi Thévenoud, a multiplié les offensives judiciaires pour défendre UberPOP comme les droits des VTC, avec pour effet de contrecarrer sa pleine application.

L’entreprise a fait appel de sa condamnation en octobre dernier devant le tribunal correctionnel de Paris à 100.000 euros d’amende pour avoir abusivement présenté UberPOP comme un service de covoiturage. Cet appel, qui sera examiné en octobre prochain, étant suspensif, Uber a maintenu son service.

Depuis, des décisions de justice de première instance, civiles ou pénales, pour certaines contradictoires en apparence, ont accentué le trouble. Alimenté par les interprétations opposées des différents acteurs sur la scène médiatique.

En mars, la cour d’appel de Paris a décidé de reporter l’examen de l’interdiction à titre conservatoire réclamée par des sociétés de transport tant que les diverses questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) soulevées par Uber n’auront pas été examinées.

Dans l’attente d’une clarification juridique, l’entreprise demande aux pouvoirs publics de suspendre les procédures visant son service UberPOP.

Q: Où en est l’examen des QPC?

R: Trois ont déjà été examinées, mais elle concernaient la nouvelle réglementation s’appliquant aux VTC: sur la tarification des courses à la façon des taxis, le Conseil constitutionnel a donné gain de cause à Uber; en revanche, il a confirmé l’interdiction pour les VTC de recourir à la géolocalisation avant réservation et l’obligation de retourner à leur point d’origine entre deux courses.

La quatrième QPC va être transmise prochainement au Conseil constitutionnel. Elle vise l’article restreignant le transport payant de passagers aux taxis et VTC. Uber fait valoir qu’il porte atteinte au principe d’égalité et de liberté d’entreprendre.

Par ailleurs, le groupe américain a déposé deux plaintes contre la France auprès de la Commission européenne afin d’obtenir l’annulation de la loi Thévenoud.

Q: Que réclament les organisations de taxis qui appellent à des actions jeudi?

R: L’application “effective” de la loi, davantage de contrôle et la désactivation de toutes les applications qui “continuent à commercialiser et diffuser des applications illégales de promotion de travail clandestin”.

Les syndicats de taxis déplorent également l’absence de contrôle efficace des nouvelles obligations imposées aux VTC, dont ils dénoncent toujours la “concurrence déloyale”.