“La fraude douanière, en Tunisie, a augmenté depuis la Révolution du Jasmin”. C’est ce que révèlent des données publiées jeudi 25 juin 2015 dans un rapport de la Banque mondiale (BM) intitulé “réseaux politiques et fraude douanière”.
Le rapport relève une augmentation globale de la fraude douanière pour toutes les entreprises, alors qu’avant la révolution ce sont “les entreprises politiquement connectées (liées à la famille du président déchu Ben Ali) qui semblent avoir été enclines à tirer profit de la fraude douanière”.
Selon les auteurs du rapport, à elle seule, la sous-déclaration des prix unitaires a permis aux entreprises liées au pouvoir politique d’éviter de payer au moins 1,2 milliard de dollars de taxes à l’importation entre 2002 et 2009. Mme Leila Baghdadi, professeur d’économie à la Tunis Business School (TBS), et coauteur du rapport, a affirmé que l’étude a mis l’accent sur les entreprises proches de l’ancien régime et listées dans le rapport de la commission nationale de gestion d’avoirs et des fonds objets de confiscation. Il s’agit d’une liste de 662 entreprises dont 206 importatrices, a-t-elle précisé.
“La Révolution du Jasmin a considérablement réduit les privilèges réglementaires contraires au principe de la concurrence dont bénéficiait la famille Ben Ali, mais n’a pas mis un terme à la fraude douanière”, précise le rapport. “Ce montant a évolué de 5% après la révolution (17 décembre 2010-14 janvier 2011)”, a avancé Gael Raballand, spécialiste senior de la BM et l’un des auteurs du rapport, présenté lors d’une table ronde, organisée par ladite banque.
Il a précisé que cette hausse a été enregistrée malgré la baisse de la sous-évaluation des prix des biens importés par les entreprises proches du pouvoir, sachant que les produits importés par ces dernières sont désormais déclarés à leurs prix réels.
Les auteurs du rapport ont rappelé, dans ce contexte, que les entreprises connectées sont plus susceptibles de frauder, en particulier dans le cas des produits soumis à des taxes douanières élevées. Et de poursuivre que pour les biens importés assujettis à des droits plus élevés, le prix déclaré est encore plus faible, soit 8,1%.
Outre les pertes fiscales engendrées par la fraude douanière, les entreprises connectées ont bénéficié des avantages de coût qui n’étaient nullement fondés sur l’efficacité ou le rendement, ce qui est de nature à créer des inégalités entres les entreprises tunisiennes.
L’ensemble des résultats de cette étude ont été obtenus en comparant les données sur les importations déclarées et les exportations vers la Tunisie de l’ensemble de ses partenaires. Ces indications ont été tirées de la base de données onusienne de statistiques sur les échanges commerciaux “Comtrade”, ont ajouté les coauteurs du rapport.
L’économiste à la BM, Bob Rijckers a fait observer que le gouvernement tunisien a d’ores et déjà engagé certaines mesures au niveau de la douane tunisienne, en vue de mettre un terme à l’évasion fiscale et d’améliorer la transparence des informations. Il a précisé que l’effort doit être focalisé sur «la mise à niveau du système d’informations et de gestion des risques». Cela demande, a-t-il dit, la mise en place d’un système de contrôle plus efficace et l’élaboration d’un guide de mesures à même de garantir les droits des différentes parties.
Raballand a souligné, de son côté, qu’«un programme d’appui aux exportations tunisiennes a été mis en oeuvre par la BM, moyennant une enveloppe de 50 MDT dont 5 MDT sont réservés à la mise en oeuvre des réformes de la douane tunisienne».