à Athènes (Photo : ARIS MESSINIS) |
[27/06/2015 19:49:02] Paris (AFP) Après l’échec de leurs négociations des dernières semaines, la Grèce, qui semble condamnée au défaut de paiement, et ses partenaires doivent d’urgence ériger des digues pour éviter la fuite des des capitaux de ce pays et toute contagion aux autres Etats européens.
Dès samedi, les ministres des Finances de la zone euro, sans inviter le Grec Yannis Varoufakis, se sont réunis pour plancher sur ce “plan B” qu’officiellement, il y a quelques jours encore, personne ne voulait évoquer.
Les grands argentiers de la monnaie unique viennent de trancher : malgré la convocation le 5 juillet d’un référendum par le gouvernement grec, le destin financier de la Grèce sera scellé le 30 juin.
Si l’on retient ainsi le scénario le plus pessimiste, mardi à minuit, la Grèce verra en effet se tarir l’aide internationale dont elle dépend depuis 2010, sans toucher les sept derniers milliards qui lui étaient destinés, faute d’accord avec ses créanciers, les Européens et le FMI, sur les efforts budgétaires qu’elle devait faire en contrepartie.
A la même heure tombera l’échéance du versement d’un milliard et demi d’euros dus au FMI par la Grèce, qui serait sans le sou, en défaut de paiement et peut-être aussi en état de faillite bancaire généralisée.
La BCE va vraisemblablement, selon une source bancaire, se réunir dimanche. L’institution de Francfort maintient en vie depuis février les banques grecques via le dispositif dit “ELA” de prêts d’urgence, malgré les critiques des Allemands. Son président Mario Draghi a toujours insisté sur le fait que ce dispositif ne pouvait exister qu’en lien avec l’aide internationale, laquelle serait condamnée.
Dans ce cas, le bouleversement financier n’attendrait pas mardi minuit, et pourrait commencer dès l’ouverture des marchés lundi.
D’une certaine manière, il a déjà commencé. L’annonce surprise du référendum à Athènes dans la nuit de vendredi à samedi a conduit nombre de Grecs aux distributeurs automatiques des banques, déjà vidées depuis décembre de 20% de l’épargne qu’elles abritaient
On n’en est toutefois pas à une ruée, dans la panique, aux guichets, accompagnée d’émeutes dans le pire des cas, forçant les établissements à baisser leur rideau.
La toute première priorité, en Grèce, sera alors de protéger les banques. Les économistes imaginent ainsi leur fermeture pure et simple un, voire plusieurs jours, ainsi que le vote d’urgence d’une loi de contrôle des mouvements de capitaux.
Dans la courte histoire de la zone euro, il n’y a qu’un précédent. Chypre avait au printemps 2013 limité de manière draconienne les virements à l’étranger et les sorties d’argent liquide. La mesure, progressivement assouplie, n’a été levée qu’en avril dernier.
– Empêcher une “contagion” –
Tandis que la Grèce tâchera de colmater les fuites, le reste de la zone euro aura pour objectif prioritaire d’empêcher toute “contagion”, telle qu’observée après 2010 vers le Portugal, l’Espagne ou l’Irlande et qui peut prendre deux formes.
La première : une flambée des taux d’intérêt de ces pays “périphériques”, à cause de la défiance des investisseurs. La deuxième : une déstabilisation des banques d’autres pays, détentrices de créances sur la Grèce.
Dans un cas comme dans l’autre, les ministres européens le répètent à l’envi, des “pare-feux” ont été dressés. La zone euro s’est dotée d’une union bancaire, les banques européennes ont réduit leur exposition à la Grèce, les investisseurs ne mettent plus tous les pays du Sud dans le même sac.
– Autre monnaie ?-
Pour le reste, une fois de plus, la BCE sera en première ligne et jouera les pompiers, expliquent les économistes.
Elle pourrait muscler un peu son “QE”, son programme d’achats d’obligations déjà en cours. Voire activer un grand plan d’achat de dettes publiques, jamais utilisé, l'”Outright Monetary Transactions” ou OMT.
Ce programme, dont la simple annonce en 2012 avait calmé les marchés, vient, à la plus grande satisfaction de M. Draghi, d’être validé par la Cour de justice européenne.
Pour certains experts, il suffira peut-être au chef de la BCE de simplement répéter qu’il est prêt à l’utiliser, en recourant à la même incantation qu’en 2012 : une promesse de “faire tout ce qui est nécessaire” pour sauver la monnaie unique.
La Grèce, quant à elle, entrera dans une zone grise.
Selon les économistes, ce pays, faute de disposer d’assez d’euros, pourrait émettre des reconnaissances de dettes (“IOU”) du gouvernement, en tant qu’ersatz de monnaie afin de payer salaires et fournisseurs. Si ces titres se multipliaient, s’échangeaient, fluctuaient, Athènes n’aurait au bout d’un moment pas d’autre choix que d’introduire officiellement une autre monnaie et de se résigner à renoncer à l’euro.
Entre-temps, pour une période plus ou moins longue, la Grèce pourrait figurer sur la liste hétéroclite des économies “dollarisées” ou “euroïsées”, ces pays fonctionnant pour diverses raisons avec une monnaie qui n’est pas la leur. Comme le Montenegro (Europe) et l’Equateur (dollar).