est du Sussex, le 6 juin 2015 (Photo : GLYN KIRK) |
[28/06/2015 13:33:38] Uckfield (Royaume-Uni) (AFP) Depuis quelques années, les vignerons britanniques ont l’?il qui pétille: leur vins, essentiellement des blancs effervescents, ont la cote auprès des consommateurs britanniques, remportent des médailles dans les compétitions internationales et intéressent jusqu’au Japon. De quoi faire naître des vocations et ouvrir l’appétit des investisseurs.
C’est le cas des propriétaires du domaine de Bluebell, Barry et Joyce Tay, des amateurs de vin, qui ont lancé leur propre production de crus.
En 2004, ils transforment en vignoble leur ancienne ferme à cochons nichée dans la verte campagne du Sussex, à Uckfield, à quelques encablures de la station balnéaire de Brighton. Ils plantent en 2005 leurs premiers pieds, essentiellement du chardonnay, du pinot noir et du pinot meunier.
Leurs premières bouteilles de vin effervescent sortent des cuves en 2008. Aujourd’hui, six hectares sont en production et 19 autres ont été plantés l’an dernier, raconte Kevin Sutherland, le vinificateur dont ils se sont attachés les services depuis le départ.
être remplies dans une exploitation de Bolney, dans le Sussex, le 6 juin 2015 (Photo : GLYN KIRK) |
Car fini l’amateurisme qui caractérisait la production viticole britannique à ses débuts dans les années 1950, quand elle était l’apanage de gentlemen farmer en quête d’un hobby: l’industrie s’est largement professionnalisée.
“Aujourd’hui, les producteurs gèrent tout le processus, du marketing à la production”, explique Julia Trustram-Eve, de l’association English Wine Producers, chargée de promouvoir le secteur. Certes, on se lance encore dans l’aventure viticole par amour du vin, mais on songe aussi à écouler ses bouteilles.
– Des Français intéressés –
Surtout, les producteurs semblent avoir trouvé leur créneau avec les vins effervescents, qui représentent les deux tiers de la production nationale, soit quatre millions de bouteilles sur 6,3 millions produites en 2014.
“Lorsque je suis arrivé de Bordeaux en 1988, ils faisaient des vins de style allemand, comme des Müller-Thurgau, ce qui m’a surpris”, raconte Chris Foss, directeur du département Vin au réputé Plumpton College, l’unique établissement d’enseignement de la science de la vigne du Royaume-Uni.
“Nous avons encouragé les échanges avec la région Champagne et c’est là que certains producteurs ont eu une révélation. Cela ne fait même pas dix ans”, explique-t-il.
Un sol calcaire proche de celui de la région du centre-est de la France, des températures assez semblables, le Sussex comme le Kent ou le Surrey voisins offrent des conditions idéales pour la production de pétillant.
Une prédisposition corroborée par les nombreuses récompenses glanées par le “English sparkling wine” au niveau international ces dernières années.
Ce fait n’a pas échappé aux investisseurs en quête de placements lucratifs, surtout quand on sait qu’une bouteille de blanc de blancs se vend facilement autour de 25 livres (35 euros) et que le vin pétillant est particulièrement en vogue parmi les Britanniques.
Le nombre d’hectares plantés a ainsi doublé en sept ans, passant à plus de 2.000. Le pays comptait 135 vignobles et 500 caves en 2014, pour un chiffre d’affaires de 82 millions de livres (115 millions d’euros). Des Français auraient aussi montré leur intérêt, se murmure-t-il, mais rien n’a été signé.
Mais attention, “la terre coûte cher, les salaires sont très élevés et parce que nous ne sommes pas un pays viticole, toute les machines que nous utilisons viennent de l’étranger”, met en garde Kevin Sutherland.
Si la quête de qualité est l’objectif affiché, la volonté d’obtenir un produit spécifiquement britannique et non une imitation du champagne domine le discours ambiant. “Nous voulons développer notre propre style”, dit Colette O’Leary, de Bluebell.
– La qualité mais pas la quantité –
“Nous proposons quelque chose de léger, vraiment rafraîchissant, avec de bons arômes d’agrumes”, souligne de son côté Chris Foss.
Jayne Powell, critique australienne d’origine britannique spécialisée dans les vins de champagne, se souvient avoir cru à une blague quand elle a entendu dire que les vins britanniques voulaient se mesurer aux champagnes dans les concours internationaux.
“En fait, au début, il fallait les montrer à l’aveugle car personne ne voulait les goûter” mais “aujourd’hui on peut dire que les Britanniques produisent du très bon vin”, dit-elle.
Il leur sera en revanche difficile de rivaliser en terme de quantité.
“La qualité est là (…) Mais le secteur reste petit et il n’y a pas de terre disponible”, souligne le Français Julien Lecourt, directeur de recherche en viticulture à la East Malling Research, un centre de recherche dans le Kent.
Cela n’empêche pas certains vignobles de viser les marchés à l’exportation, comme la maison Bolney, située aussi dans le Sussex. Fondée au début des années 1970, elle a produit 120.000 bouteilles en 2014.
“Nous exportons au Japon, en Scandinavie, en Autriche et bientôt au Canada”, se réjouit Aimee Knight, directrice des ventes. Car être connu à l’étranger contribue au prestige d’un domaine.
Le marché britannique reste toutefois la cible privilégiée des vignobles du pays qui veulent profiter du mouvement du “consommer local”.
Leur prochaine étape ? Développer leur production de vin tranquille – qui ne fait pas de bulle quand on ouvre la bouteille – surtout du pinot noir en rouge et du chardonnay en blanc.
A la faveur du réchauffement climatique, “c’est possible”, estime Colette O’Leary.