Ce nouveau document regroupera les cotisations sous différentes catégories au lieu de présenter chaque calcul en détail, une façon de simplifier la vie administrative mais qui risque de rendre moins détectables les éventuelles fraudes.
Document crucial, le bulletin de paie est devenu au fil du temps une «énigme» pour les salariés, qui ne retiennent que le solde en bas de page. Le gouvernement entend changer la donne «d’ici 2017» avec une version qui sera «lisible et intelligible». Revoir la fiche de paie, qui bat des records de complexité en France, faisait partie des 50 premières mesures dévoilées en avril 2014 dans le cadre du «choc de simplification», voulu par François Hollande.
Lundi, le gouvernement a annoncé une expérimentation par des entreprises volontaires «à compter de 2016» d’une maquette de bulletin simplifiée, fruit de la mission confiée en début d’année à Jean-Christophe Sciberras, DRH France du groupe Solvay. «L’objectif est de généraliser ce nouveau bulletin de paie d’ici 2017», ont indiqué les ministres du Travail, François Rebsamen, des Finances, Michel Sapin, des Affaires Sociales, Marisol Touraine et la secrétaire d’Etat à la Simplification, Clotilde Valter.
D’ores et déjà, 67 salariés de la société Solvay, dont le directeur des ressourses humaines jean-Christophe Sciberras devait rendre ce lundi un rapport au gouvernement, ont expérimenté la fiche de paie simplifiée, que France Tv s’est procurée.
«Dès la rentrée» Clotilde Valter «mènera une concertation avec les partenaires sociaux» pour définir les modalités de cette généralisation. Les ministres soulignent la nécessité «de maintenir un niveau d’information constant pour le salarié», alors que certains syndicats craignent de voir le bulletin perdre de la substance.
Les syndicats inquiets : «simplifier n’est pas cacher»
De fait la CGT a prévenu lundi dans un communiqué que «simplifier n’est pas cacher». Le syndicat dénonce dans un communiqué «une très grande perte d’informations indispensables» notamment sur les «détails relatifs aux retraites» avec la maquette qui est proposée, y voyant un «enfumage». Il juge les recommandations du rapport «contraires» aux intérêts des salariés. Pour FO, le risque existe de ne plus pouvoir à l’avenir «déceler» les éventuelles «erreurs» ou «fraudes de l’employeur».
Les ministres soulignent de leur côté que la fiche de paie actuelle «présente trop de lacunes : accumulation de mentions et d’intitulés ni clairs, ni harmonisés, informations trop nombreuses, incompréhension du calcul du montant dû au salarié et payé par l’employeur…»
«L’enjeu est extrêmement simple (…) il est celui d’une meilleure identification des cotisations et des contributions sociales», a déclaré Marisol Touraine lors d’une conférence de presse. «La force de notre système de protection sociale est que les salariés et les entreprises puissent adhérer à ce système en ayant clairement la vision de ce qu’ils payent pour les différents risques», a-t-elle estimé.
Pour que les salariés comprennent bien la nouvelle maquette, un site gouvernemental sera «mis en ligne dès la fin 2015». Dans son rapport, la mission fait elle aussi un constat sans appel : la fiche de paie est «une énigme pour beaucoup de salariés» et la France est «en tête des pays» pour sa complexité.
Une comparaison réalisée au sein de filiales d’un grand groupe en témoigne : 40 lignes sur le bulletin français, 15 en Allemagne, 14 aux Etats-Unis, 11 en Chine. Alors que plus de 300 millions de bulletins sont diffusés chaque année dans l’Hexagone, «les informations périphériques ont fini par noyer l’essentiel». Conséquence : «la plupart des salariés avouent se limiter à la recherche du seul net à payer» en bas de page.
Une dématérialisation encore peu répandue
Pour que «le salarié comprenne mieux» à quoi servent les prélèvements sur son salaire brut, la mission, qui ne chiffre pas le coût d’un nouveau modèle de bulletin, propose notamment d’établir une liste des différents intitulés et de regrouper les cotisations par thème (santé, retraite, chômage). Par exemple sous le titre «assurance santé», seront inscrites à la fois la sécurité sociale, la complémentaire et l’invalidité, idem pour l’«assurance retraite».
La maquette conserve deux colonnes (part de l’employé et part de l’employeur) et mentionne aussi le montant total du salaire (salaire brut + cotisations employeur). Elle recense aussi les allègements financés par l’Etat. «L’affichage des exonérations de cotisations patronales va dans le bon sens», a salué FO.
Autre sujet abordé, la dématérialisation de la fiche de paie, possible aujourd’hui avec l’accord du salarié mais peu répandue (de l’ordre de 15% contre 95% en Allemagne et 73% en Grande-Bretagne). Un bulletin dématérialisé coûte 10 centimes contre 20 pour un bulletin papier et 42 s’il est affranchi, note la mission.
AFP