Le gouvernement s’est empressé -et c’est compréhensible a priori- d’annoncer un train de mesures en faveur de l’industrie touristique sinistrée après l’attentat meurtrier de Sousse. Ces annonces ont été mal accueillies par le public, non qu’on en conteste la nécessité mais en les jugeant à l’aune de la situation globale de l’économie du pays et du pouvoir d’achat des citoyens. Car, en fin de compte, qui payera la facture des hôteliers? C’est bien sûr le contribuable et personne d’autre.
Les observateurs et les citoyens savent aujourd’hui l’ampleur des dégâts qui secouent l’économie du pays et désignent tous les coupables. Ainsi, le coût de l’évasion fiscale s’élèverait à 70% des recettes fiscales actuelles, selon certains experts, soit près de 10 milliards de dinars de manque à gagner aux caisses de l’Etat.
D’autre part, on apprend selon un cabinet d’études anglo-saxon, qu’en 2014 le nombre de milliardaires (en millimes) en Tunisie a augmenté de 17% et on estime leur fortune cumulée à l’équivalent de la moitié du budget de l’Etat. La contrebande et les diverses mafias de l’économie informelle représenteraient jusqu’à 40% de la richesse nationale.
Dans cette perspective, les critiques ne se sont pas fait attendre concernant les “cadeaux“ offerts à l’industrie touristique surtout que celle-ci est tachée de non civisme notoire au vu des dettes douteuses de plusieurs hôteliers envers les banques publiques, dettes qui pourraient facilement éponger les déficits de bon nombre d’unités et permettraient un nouveau départ de l’activité.
Les citoyens remarquent, d’autre part, le peu d’empressement que manifestent les hôteliers et les agents de voyage pour booster le tourisme intérieur et les prix prohibitifs qu’ils pratiquent pour les citoyens tunisiens quand le tapis rouge est déroulé pour les étrangers avec des forfaits offerts à 200 euros la semaine, avion compris.
Le modèle économique qui a fait la prospérité du clan Ben Ali par ses pratiques mafieuses a enfanté des monstres dans la contrebande et l’évasion fiscale que l’Etat est aujourd’hui en peine de combattre. La reforme fiscale tant attendue se fait désirer et les experts sont unanimes pour dire que des clans importants, influents au sommet de l’Etat, retardent comme ils le peuvent l’avènement de cette reforme avec ce qu’elle peut représenter de justice et d’équité.
La mal nommée et injuste idée de «forfait fiscal» cadeaux des premières années de l’indépendance fait de ravage dans le compte de la nation et beaucoup de professions libérales, y compris et surtout celles qui brandissent le drapeau de la défense de la liberté en usent et abusent. Les fonctionnaires et les petits employés sont les seuls à payer leurs impôts dans les règles… Une situation qui fait que l’évasion fiscale est devenue un sport national et un championnat pour tous les métiers non salariés.
Le gouvernement Essid est acculé aujourd’hui plus qu’on ne pense! Il tarde certes à entamer les reformes douloureuses mais il n’a plus beaucoup de marge de manœuvre et le temps et les bailleurs le pressent de tous côté. Alors aux grands maux les grands remèdes, sans pitié et sans atermoiements!