La combattivité, le militantisme et l’implication des Tunisiennes dans la vie publique et leur dévouement à leur patrie, ne datent pas d’aujourd’hui ni de 1956, date de la promulgation du code du Statut personnel qui a sacré des milliers de combats de femmes. Bien qu’en tant que femmes, nous ne pouvons que rendre hommage au défunt Habib Bourguiba, fondateur de la Tunisie qui a osé face à une rude résistance socioculturelle pour institutionnaliser les droits des femmes.
L’ouvrage publié en 2009, par Lilia Laabidi historienne et sociologue sous le titre “Militantes Tunisiennes (1881-1961)”, relate l’engagement et les sacrifices des Tunisiennes pour l’indépendance de notre pays. Une lutte qu’on n’a pas vu transparaitre à travers les livres d’histoire qu’on enseigne dans les écoles, les lycées et les universités tunisiennes. Et pourtant, il suffit de parcourir les biographies des 64 résistantes originaires de toutes les régions du pays, dont Nfissa Amira, Majida Boulila, Souad Khattech, Tawhida Farhat et Radhia Haddad. Radhia Haddad qui a participé activement à la vie politique en tant que parlementaire et qui était la première à militer pour la démocratisation de la Tunisie. Elle croyait dur comme fer que « Le progrès est également subordonné à deux autres préalables, non moins essentiels, et qui ne sont que d’autres visages de la justice : la répartition équitable de l’accroissement des richesses et l’organisation démocratique du pouvoir ». Elle a été la première à dénoncer le truquage des élections de 1981 sous l’ère Bourguiba auquel elle avait le courage de s’opposer et qu’il décrivait lui-même comme la « présidente des femmes ».
Nombreuses sont les femmes cités par Lilia Laabidi et qui ont été battues, torturées, et assassinées par les forces d’occupation françaises. Elles ne s’étaient pas plaintes, elles n’ont pas marchandé leur combat pour leur pays. Elles ont résisté, ont souffert dignement et dans le silence et sont mortes dans l’anonymat sans chercher de reconnaissance et encore moins une récompense.
Ces femmes là qui ne se sont pas contentées de s’engager dans des mouvements féministes mais ont intégré différents courants idéologiques et politiques. Elles ont résisté à la pression sociale et se sont affranchies des préjugés de l’ordre établi pour participer non seulement à la vie politique mais aussi culturelle du pays croyant dur comme fer que c’est en opérant sur les mentalités que l’on peut faire bouger les choses pour occuper une place plus importante dans une société patriarcale. Ces femmes là ne peuvent souffrir de comparaison avec les activistes d’aujourd’hui qui crient à longueur d’années leur militantisme, du reste douteux, et exigent des récompenses si ce n’est des médailles pour service rendus.
Ces militantes de dernière heure soutenues par des organisations internationales aux agendas tristement connus, oublient qu’elles n’ont rien d’exceptionnel. Leurs prédécesseurs ont posé les jalons d’une participation active et efficiente dans l’édification de la Tunisie à travers les âges. De Didon, la fondatrice de Carthage à Sophonisbe qui s’est empoisonnée préférant la mort à son asservissement par les Romains et le vainqueur Scipion, à Saïda Manoubia qui défendait la cause des pauvres auprès du Bey, Aroua Al Kayraounia et son contrat kairaoanais, imposant la monogamie, Aziza Othmana qui a consacré toute sa fortune aux œuvres sociales ou encore Fatima al-Fihri, fille d’un riche homme d’affaires tunisien immigré de Kairouan qui a fondé l’Université Al Karaouine à Fes au Maroc. Une université qui devint du xème siècle et au xiième siècle, un important centre d’enseignement et une des premières universités au monde.
Les tunisiennes ont toujours été aux premiers rangs pour défendre leur patrie, propager le savoir, militer pour préserver les valeurs de démocratie et d’égalité. Il y en a qui font beaucoup de bruit pour rien. Ce sont celles que nous voyons aujourd’hui envahir les plateaux des télévisions criant très fort pour convaincre les différents publics d’un engagement qui n’est pas aussi innocent ou honnête qu’elles veulent bien le faire croire.
Il y a des femmes qui ont tissé l’histoire de la Tunisie, qui l’ont changé et qui l’ont métamorphosé. De nos jours ce sont celles qui ont changé les donnes politiques dans notre pays et l’ont sauvé de l’obscurantisme et de l’extrémisme, chacune de là où elle est modestement et dignement. Elles sont fait pencher la balance en faveur d’un modèle sociétal émancipé et ouvert. On n’en parle pas beaucoup.
Nous essayerons dans la série d’entretiens que nous comptons publier à partir de cette semaine de faire découvrir au grand public quelques unes de ces femmes qui militent en silence et sans faire beaucoup de vague car elles sont plus dans l’être et le dévouement que dans le paraître et la mesquinerie. Ce sont les compétences féminines qu’on méconnait ou qu’on marginalise ! Affaire à suivre