Les Tunisiens célèbrent, en ce 13 août 2015, le 59ème anniversaire de la promulgation du Code du statut personnel (CSP), une législation révolutionnaire qui a consacré l’émancipation de la femme tunisienne et l’a rétablie dans sa dignité. Depuis cette date historique, de nombreux acquis ont été accomplis sur la voie de l’indépendance économique de la femme à travers l’amélioration de son éducation, de son intégration professionnelle et de son affirmation en tant que partenaire de l’homme.
En dépit de ces réalisations internationalement reconnues, la liberté de la femme en Tunisie demeure fragile. En témoignent les sérieuses menaces que font peser sur elle, de nos jours, entre autres l’émergence du fondamentalisme islamiste et le terrorisme salafiste, deux mouvances qui œuvrent à assigner à la femme un rôle fort réducteur. Celui-là même qui consiste à se marier, à faire des enfants et à les éduquer. Il faut reconnaître que d’importantes avancées ont été réalisées, depuis 1956, en matière d’émancipation de la femme. Parmi celles-ci figurent en bonne place la montée du niveau d’instruction de la femme tunisienne et sa forte participation à la vie professionnelle.
Des acquis reconnus internationalement
Ces deux facteurs ont largement contribué à une égalité des chances face à la population masculine. Par l’effet de son indépendance économique, corollaire de son succès dans les études et de sa maîtrise d’un savoir-faire dans tous les domaines, la femme tunisienne s’est vue reconnaître, légalement et légitimement, une autonomie de décision consacrés par moult droits: cogestion du foyer, choix du mari, planification des naissances, divorce, éducation des enfants et leur prise en charge tout comme celle des parents.
Soixante ans après la promulgation du Code du statut personnel, on peut dire que la femme tunisienne a su valoriser son émancipation. Mieux, elle a compris que le confort existentiel généré par les acquis accomplis en sa faveur n’est qu’une étape. Elle a vite pris conscience que sa libération pérenne passe par sa formation intellectuelle et par l’ancrage dans les traditions du pays d’une complémentarité, voire d’un partenariat win-win entre l’homme et la femme.
C’est d’ailleurs à la faveur de ce partenariat que les Tunisiennes et Tunisiens -imbus de progrès, de liberté, de dignité et de modernisme- sont parvenus à résister, avec détermination, à toutes les dictatures, particulièrement à la plus violente et la plus déstabilisatrice d’entre elles, celle du parti islamiste Ennahdha et dérivés (Troïka). Si la Tunisienne émancipée résiste aux dictatures islamistes C’est grâce à la grande mobilisation des femmes et à leur descente massive dans les rues, accompagnées de leurs filles et fils, que les islamistes au pouvoir (les nahdhaouis) ont fini par jeter l’éponge et quitter les arènes au pouvoir.
C’est grâce à 1,2 million de «bajboujettes» -femmes acquises aux thèses bourguibistes de Béji Caïd Essebsi- que ce dernier a pu remporter l’élection présidentielle de 2014 face à «l’épicier des droits de l’Homme», Moncef Marzouki, lequel était disposé à vendre le pays pour peu qu’il reste au pouvoir. Cela pour dire finalement que les Tunisiens, femmes et hommes, doivent être reconnaissants à Bourguiba le visionnaire d’avoir parié, à travers la promulgation, il y a 59 ans, du Code du statut sur l’émancipation de la femme.
Faut-il pour autant pavoiser et se dire que la femme tunisienne est plus que jamais libre et que tout retour en arrière est impossible?
Il y a toujours péril en la demeure
Hélas la réponse est négative. Il y a toujours péril en la demeure, et ce à deux niveaux. Au niveau du pouvoir en place, d’abord. Le quartet qui gouverne le pays est un composite contre-nature entre ultralibéraux et islamistes conservateurs qui ont pour point commun la tendance fâcheuse à marginaliser la femme. Objectivement, Nidaa Tounès, composé d’anciens RCDistes recyclés, et farouche allié de puissances occidentales ultralibérales, ne fera que reproduire le modèle de développement suivi au temps du kleptocrate Ben Ali. Ce même modèle qui avait entretenu une fausse émancipation de la femme, son traitement comme objet et son affectation dans des sous-emplois précaires dégradants et sans lendemain tels que le travail dans l’offshore, la sous-traitance, l’informel et le reste (vous l’aurez compris…).
Quant à Ennahdha, deuxième parti au pouvoir, ce oarti n’a de fixation que pour l’assujettissement de la femme. Ce parti fait actuellement le dos rond et ne pense qu’à retrouver le pouvoir pour achever son sale boulot, celui, entre autres, de supprimer le travail de la femme et de faire de cette partenaire de l’homme un réceptacle pour la reproduction et une bonne pour les travaux ménagers.
Au niveau, ensuite, d’une bonne partie de «nos jeunes». Selon une récente enquête menée par l’Observatoire tunisien des jeunes, au moins un tiers de la jeunesse tunisienne sympathiserait avec le mouvement salafiste. C’est à la fois énorme et inquiétant. Décryptage: cela signifie que ces jeunes sont de farouches partisans de pratiques dégradantes pour la femme tunisienne. Parmi celles-ci, il y a lieu de citer le port de ce sinistre accoutrement le Niqab, le mariage orfi (coutumier), la polygamie et le djihad nikah-qui autorise des rapports sexuels hors mariage avec des djihadistes terroristes… Pis, ils sont pour l’application de la chariâa, une interprétation humaine –donc erronée- du Coran qui incrimine et diabolise la femme.
La solution : débattre de l’intemporalité du coran et de la chariâa
Face à ces menaces sérieuses pour l’émancipation organisée de la femme, islamologues progressistes et observateurs de la chose islamiste proposent deux pistes. La première consiste en la séparation irrévocable de la politique de la religion, tandis que la seconde porte sur l’organisation d’un débat urgent sur l’intemporalité du Coran et de la chariâa et de la maxime selon laquelle ces textes sont valables n’importe où et en tout temps.
C’est que la vie a beaucoup changé. Mention particulière pour la chariâa, qui n’est inspirée que dans une faible proportion du Coran et dans une grande partie de sources humaines. Ce texte est, de nos jours, en porte à faux avec la culture de la citoyenneté et de l’indivisibilité des droits de l’Homme, et surtout, du droit des femmes à tous les droits. C’est tout de même une question de bon sens. Le musulman de l’époque du Prophète n’est plus celui du 21ème siècle. J’ai dit «bons sens», car il semble que ce ne soit pas dans la logique de ces moyenâgeux …