Le maire d’extrême droite de la ville a décidé de bloquer un projet de construction initié par la précédente municipalité socialiste. Le tribunal administratif de Versailles doit examiner la situation jeudi.
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Le dossier empoisonne la vie politique locale depuis des années. À Mantes-la-Ville, le projet de construction d’une nouvelle mosquée revient régulièrement au conseil municipal. Lancé par la précédente municipalité socialiste, il est aujourd’hui bloqué par le maire Front national, Cyril Nauth, qui a préempté le local où elle devait être installée. Le tribunal administratif de Versailles doit examiner la situation jeudi.
Pour justifier son opposition, la seule municipalité FN d’Île-de-France avance sa volonté d’installer dans le bâtiment, l’ancienne trésorerie, la police municipale. Elle souhaite porter les effectifs de 10 à 13, et transférer l’équipe de son local actuel de 90 m2 vers ce nouveau lieu, qui en fait 300. Le sous-sol servirait quant à lui à installer les archives de la ville. Un projet «sérieux, solide et concret», inspiré par «l’intérêt général», ce qui ne serait pas le cas «d’un lieu de culte musulman», selon la mairie.
«La protection de l’exercice du culte est une composante de la laïcité»
La préfecture des Yvelines
La préfecture des Yvelines a contesté en référé la décision de la mairie de préempter le local. Elle y voit «un détournement de pouvoir»: «L’objectif principal de la préemption est de faire échec au transfert du lieu de culte musulman», estime-t-elle. Or, «la protection de l’exercice du culte est une composante de la laïcité».
La situation est bloquée depuis deux ans. Les musulmans, eux, continuent de prier dans un pavillon qui ne répond plus aux besoins des fidèles. «La salle est pleine à craquer, explique Abdelaziz el-Jaouhari, président de l’Association des musulmans de Mantes-Sud (AMMS). Le culte s’effectue dans des conditions précaires.» L’association avait réfléchi depuis plusieurs années à une solution avec l’ancienne municipalité socialiste. Comme il n’y a pas vraiment de foncier disponible dans la ville, le choix se porte sur l’ancienne trésorerie, inoccupée depuis plusieurs années.
Ce bâtiment appartient à la Communauté d’agglomération de Mantes en Yvelines (Camy). Consulté sur l’opération, l’État recommande que le bâtiment soit cédé dans un premier temps à la ville, qui possède légalement les attributions politiques concernant le culte. La ville devait ensuite vendre le bâtiment à l’AMMS. Au final, les deux opérations étaient censées ne pas coûter un euro au contribuable. À l’époque, le projet heurte tout de même le premier adjoint de la ville, qui démissionne pour protester. «Cela allait contre sa conception de la laïcité, fait-on savoir dans l’entourage de l’ancienne maire socialiste. De plus, il en a profité pour rallier une liste concurrente pour les élections municipales: il y avait sans doute une part de calcul politique dans ce geste.» Malgré cela, un compromis de vente est signé. Début 2014, un permis de construire est validé.
Depuis, les musulmans n’ont officiellement plus de lieu où prier. Ils utilisent toujours le pavillon, même si la convention leur permettant de l’utiliser a pris fin en mai 2014
Arrive la campagne municipale. Ce projet de mosquée est du pain bénit pour le candidat frontiste, qui en fait un cheval de bataille. Il l’emporte, face à une gauche divisée. Une fois installé, le nouvel édile rencontre les membres de l’AMMS. «Il nous a dit qu’il avait besoin de réfléchir au projet, racontent-ils. Puis toutes nos demandes sont restées lettres mortes. Il nous a finalement fait savoir que nous avions qu’à aller prier chez nous.»
Depuis, les musulmans n’ont officiellement plus de lieu où prier. Ils utilisent toujours le pavillon, même si la convention leur permettant de l’utiliser a pris fin en mai 2014. Il ne remplit pas les conditions de sécurité nécessaires. La mairie les a mis en demeure de le quitter, mais ils ont été confortés par la justice dans leur utilisation. «Nous voulons bien louer un autre lieu aux prix du marché», font-ils savoir. Devant le blocage municipal, la Camy a décidé de vendre directement l’ancienne trésorerie à l’AMMS. C’est là que la municipalité a fait jouer son droit de préemption.
«Le maire est en difficulté politique, estime Saïd Benmouffok, de l’opposition municipale (PS). Il est isolé: le département et les villes avoisinantes ne veulent plus travailler avec lui. Il sent qu’il sera difficile de mener des projets au cours de sa mandature, il s’accroche à celui-là, très symbolique pour lui.»