Il y a quelques semaines, la présidence de la République a présenté un projet de loi de réconciliation dans le domaine économique et financier visant à renforcer le système de la justice transitionnelle et améliorer le climat de l’investissement. Des experts économiques et autres juristes tunisiens semblent y souscrire, mais estiment que cela doit se faire sous certaines conditions, notamment s’unir autour de règles participatives claires.
Les experts ayant participé à une conférence, organisée vendredi 20 août par le journal «l’Expert», ont mis l’accent sur l’impératif d’examiner ce projet de loi qui sera présenté à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) pour approbation, dans les semaines à venir.
La Tunisie dispose d’une Instance vérité et dignité qui oeuvre dans le cadre du processus de la justice transitionnelle et qui a entamé, depuis 2015, la réception des dossiers relatifs aux dépassements et infractions pour examen.
Le président d’honneur de l’Ordre des experts-comptables de Tunisie (OECT), Faycel Derbel, a souligné que les experts économiques veulent clore ce dossier mais sans pour autant négliger les dépassements commis par les contrevenants. Il propose la création de commissions indépendantes (commission de privatisation, commission des banques et commission des marchés) auxquelles prendront part les parties officielles et qui regrouperaient des experts en économie et des juges. Selon lui, chaque commission assurera le suivi d’un dossier et prononcera les dispositions à prendre à son sujet.
Derbel a ajouté que ces commissions devront se charger de convoquer les contrevenants sans attendre qu’ils présentent leur demande, tel qu’il est stipulé dans le projet de loi. Elles devront également mener leur enquête avec les contrevenants, négocier avec eux et publier les résultats des enquêtes au public.
L’économiste a mis en exergue l’importance d’examiner le projet de loi présenté par la présidence de la République, du fait qu’il n’a pas obtenu le consensus des différents partis politiques et des instances, outre la faible représentativité de la commission qui s’est chargée de la préparation de ce projet de loi.
Pour sa part, l’universitaire Fethi Maimoun, souligne que la Tunisie n’a pas encore atteint «la maturité législative», ce qui nécessite de faire appel à des spécialistes, recommandant d’inciter à la réconciliation.
Le président de l’OECT, Hamad Mansour, relève que, depuis la révolution, le discours politique est emprunt de populisme, s’agissant notamment des accusations portées aux hommes d’affaires. D’après Mansour, les procédures suivies dans l’interaction avec certains hommes d’affaires dans le cadre de la loi de la justice transitionnelle adoptée après la révolution ne permettent pas d’encourager l’investissement.
Pour sa part, le militant des droits de l’Homme, Samir Ben Amor, a qualifié le projet de réconciliation dans le domaine économique et financier de «figé», soulignant l’impératif d’identifier une formule participative car le projet actuel “ne bénéficie pas de l’unanimité». Il a précisé que «l’application de la version actuelle du projet de loi qui stipule la création d’une commission spécialisée chargée de l’examen des demandes de réconciliation va donner lieu à l’extorsion des hommes d’affaires par les partis au pouvoir».