Huit ans après l’annonce officielle du lancement de “La Porte de la Méditerranée“, ce projet de nouvelle ville que l’émirati Sama Dubaï se proposait alors de bâtir sur 831 hectares sur les rives du Lac Sud de Tunis, n’a pas vu le jour et n’a même pas commencé à être concrétisé. La seule trace qu’on en a est une bâtisse érigée à la sortie Sud de la capitale et qui devait servir de Centre de marketing et de vente du projet ouvert 2008.
En 2008, c’est-à -dire peu de temps avant la crise financière mondiale qui va faire d’énormes dégâts à Dubaï, affaiblir financièrement cet émirat et le rendre incapable de respecter l’engagement pris avec l’Etat tunisien. Ce que Dubaï a fini par reconnaître et en informer les autorités tunisiennes dans une lettre envoyée en 2010.
Sama Dubaï a alors demandé à pouvoir redimensionner le projet à la lumière de cette situation et en particulier à revoir les conditions de sa réalisation. En particulier, l’investisseur émirati qui, en contrepartie de l’obtention des 831 hectares du projet au dinar symbolique, s’était engagé à faire entrer en Tunisie 14 milliards de dollars nécessaires au financement de la Porte de la Méditerranée, avait demandé à pouvoir lever les capitaux nécessaires en Tunisie. Mais la demande n’avait été acceptée ni par Ben Ali ni par les gouvernements de l’après-14 janvier 2011.
En conséquence, une autre disposition clef de la convention et qui était conditionnée au transfert des 14 milliards de dollars n’a pas été exécutée: le transfert officiel de la propriété des 831 hectares qui, légalement, appartiennent encore à l’Etat tunisien. Ce qui a poussé certains au sein de l’Etat à considérer la convention avec Sama Dubaï comme nulle et non avenue et à penser qu’elle peut être dénoncée sans risque par la Tunisie. D’ailleurs, d’après nos sources, le gouvernement Béji Caïd Essebsi (février-décembre 2011) avait pris la décision de dénouer la relation avec Sama Dubaï mais qui n’a pas été concrétisée par la suite.
Le gouvernement Essid, en poste depuis février 2015, a déjà plongé dans ce dossier. Un conseil ministériel consacré aux grands projets a été tenu le 14 mai 2015 qui a classé les projets de Sama Dubaï et de Boukhater dans la catégorie “des projets en difficulté“.
Quelle conclusion va-t-il en tirer? Réponse probablement après le cabinet de conseil que la SEPTS s’apprête à recruter aura rendu ses conclusions et recommandations.
Entré pendant plus de quatre ans dans une phase de latence, le projet de Sama Dubaï est aujourd’hui de nouveau sur le devant de la scène. Et le mérite en revient à Moncef Sliti, président-directeur général de la Société d’études et de promotion de Tunis Sud (SEPTS) et Anis Ghedira, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Equipement et de l’Habitat, chargé de l’Habitat, qui, fin avril 2015, sont montés au créneau pour faire bouger les choses dans ce dossier qui traîne et est dans un flou total depuis trop longtemps.
Sans prendre de gants, le secrétaire d’Etat annonce, le 28 avril dernier, que «le gouvernement va demander à Sama Dubaï de respecter ses engagements relatifs au projet “Porte de la Méditerranée” et qu’il va avec la partie émiratie «pour qu’elle respecte ses engagements et poursuive les travaux d’aménagement et de construction. Sinon, nous allons explorer d’autres pistes, dont la cession du projet au profit de l’Etat tunisien». Â
Dans la même journée, M. Sliti prend le relais et enfonce le clou en déclarant qu’«il est nécessaire d’élaborer une étude juridique portant sur le mégaprojet Sama Dubaï» pour fournir au gouvernement les données nécessaires à la prise d’une décision sur ce dossier. C’est aujourd’hui chose faite.
Deux mois après ces prises de position, la Société d’études et de promotion de Tunis Sud (SEPTS) -dont relève le terrain sur lequel le mégaprojet Porte de la Méditerranée va être bâti par Sama Dubaï- a lancé une consultation afin de recruter un cabinet de conseil juridique qui sera appelé à lui proposer une solution pour le cas échéant dénoncer la convention le liant au promoteur émirati au moindre coût.
Cependant, le bureau de conseil juridique qui sera recruté par la SEPTS devra répondre à trois questions essentielles:Â
1) Quelles failles dans la convention avec Sama Dubaï, en tenant compte des changements intervenus en Tunisie depuis le 14 janvier 2011 et notamment la nouvelle Constitution?
2) Si la Tunisie décide de dénoncer la convention, quelles chances aurait-elle de gagner en portant l’affaire devant une instance d’arbitrage international? Le cas échéant, une solution amiable avec l’investisseur émirati est-elle préférable?
3) En exploitant une parcelle de terrain contigu à celui sur lequel Sama Dubaï devait ériger son projet, la SEPTS court-elle un risque en sachant que la convention conclue à l’Etat tunisien accorde à l’investisseur le droit de disposer d’une des parcelles voisines s’il le juge nécessaire au développement de son projet?
Pour la première fois depuis cinq, les choses bougent enfin dans ce dossier ô combien complexe. Et le gouvernement actuel a tout intérêt à trancher rapidement.
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