Ils voulaient un gouvernement de technocrates ou de technocrates politisés, ils l’ont voulu politique. Normal ! Ils croyaient que d’être issus de partis, ayant remporté les élections, leur donnait une suprématie sur ceux qui ont exercé au sein de l’Etat. Ceux qui maîtrisent les rouages de l’Administration et sont capables de remettre progressivement le pays sur les rails pour baliser le terrain aux voraces et amoureux du pouvoir. Une ambition politique démesurée que certains d’entre eux seraient capables de pactiser avec le diable pour atteindre leurs objectifs!
Résultat, aujourd’hui, le gouvernement Essid est un gouvernement hybride, et hormis certains ministres patriotes et responsables, il y en a qui sont plus soucieux de servir leurs ambitions personnelles et satisfaire à leur soif du pouvoir que de servir les intérêts d’un pays à la dérive.
La Tunisie est en faillite –ou presque! Faut-il le crier sur tous les toits pour que ceux qui tirent les ficelles des mouvements populaires ou plutôt populistes et justifient les agissements de certains émeutiers le comprennent? Abdeltif El Fourati, le célèbre chroniqueur du journal Assabah, a même titré un article paru mardi 1er septembre: «La Tunisie est en train de se noyer». Il a rappelé que notre pays qui se targue, aujourd’hui, d’avoir considérablement avancé en matière de droits et de libertés, est en train de perdre pied sur le plan économique. Conséquence: une détérioration de la situation sociale. «Nous risquons, à ce train-là, de tomber dans de profonds abîmes et rien ne pourra épargner le pays de nouveaux soulèvements qui menaceraient même son existence».
M. Fourati a fustigé ceux qui croient que la «révolution tunisienne» a garanti aussi bien la dignité que la liberté: «Oui, nous sommes libres mais avons-nous assuré la dignité de nos concitoyens? La dignité rime avec travail et emploi qui préservent les individus du besoin et de la précarité. Tous les indicateurs montrent que la situation économique s’est considérablement dégradée par rapport à l’année 2010, année qui aurait préparé la «révolution de la dignité».
Pire encore, à la dégradation de la situation économique s’est ajouté le phénomène du terrorisme qui a touché la Tunisie en plein cœur. Les années de la Troïka ont été maléfiques tous azimuts: les caisses de l’Etat ont été vidées et nous ne savons pas à ce jour comment ces ressources ont été gérées, les recrutements se sont faits par milliers pour des amnistiés, et des fonctions parallèles ont été créées pour les loyaux serviteurs des partis au pouvoir, et en premier celui d’Ennahdha, ce qui a considérablement alourdi le déficit budgétaire.
Droit de grève vs droit au travail…
Le phénomène terroriste s’est amplifié. Pendant ce temps, politique vicieuse et communication de diversion aidant, les droits et libertés, les augmentations de salaires et les revendications sociales ont été l’os qu’on a jeté aux militants de gauche, aux syndicalistes et aux prétendus démocrates qui ont constitutionnalisé le droit de grève et ont démystifié celui au travail. Donc, que des revendications, plus de discipline au travail et plus de productivité. Nous avons vu une multinationale comme ENI -qui existe en Tunisie depuis les années 50 et celle qui a tout récemment découvert les gisements gaziers en Egypte, quitter nos cieux! D’autres grands groupes et des entreprises de renom ont suivi. En Tunisie, il n’y a pas de paix sociale et pas de sécurité, pourquoi y rester quand d’autres pays biens dirigés leur ouvrent grands les bras?
Aujourd’hui, plus de 7 mois après les élections pour un gouvernement que nous croyions permanent, capable, compétent et mobilisateur, le pays est toujours au point mort avec la menace terroriste en plus. La raison? On ne constitue pas un gouvernement efficace en se pliant à la logique du consensus et de la satisfaction de toutes les parties prenantes politiques. L’Irak est en train de payer de son existence même la politique du partage du gâteau “politique“!
Terrorisme : la grande menace!
Mercredi 2 septembre, une opération antiterroriste de la garde nationale a permis d’arrêter de dangereux djihadistes qui comptaient récupérer les quartiers généraux de la «Katiba Okba Ibnou Nafaa» et la reconstituer au Mont Chaambi. Sur les frontières libyo-tunisiennes, d’autres groupuscules terroristes armés jusqu’aux dents se préparent à l’assaut de la Tunisie. Les Britanniques, Américains et les Allemands ont appelé leurs ressortissants à éviter de se rendre en Tunisie.
Et que font nos ministres pendant ce temps? Du populisme! Rien que ça! Certains sont devenus des spécialistes des visites surprises avec comme récompense des photos diffusées sur les médias montrant leur préoccupation du bien-être du peuple; d’autres sont inscrits aux abonnés absents.
Un gouvernement sans travail d’équipe…
Nous n’entendons pas parler de signatures de contrats pour la réalisation de grands projets ou d’accueil de délégations étrangères pour montrer les atouts de la Tunisie en tant que site propice aux investissements et les rassurer. Le terme marketing politique ou économique ne fait pas partie du lexique des ministres économiques dans le gouvernement Essid.
On ne parle plus d’investissements ou de création d’emplois pour assurer la dignité scandée en 2010/2011. Par contre, celui des discours creux sans conséquences sur le terrain est très fréquent. Quant aux projets économiques, ils se discuteraient en catimini, chaque ministre «chez lui». Le travail d’équipe, en symbiose, la coordination des décisions et des actions entre différents départements ministériels semblent relever de la simple littérature. Les dissensions entre partis rivaux se sont déplacées au gouvernement lequel, tel un instrument musical très mal conçu, ne peut émettre que de fausses notes!
Des ministres prétentieux…
Dans le gouvernement Essid, il y a les technocrates issus de l’Administration et parmi eux des compétences sans personnalités affirmées. Il y a aussi les élus qui ne savent pas ce que c’est qu’un Etat ou comment il fonctionne de l’intérieur. Ils sont prétentieux, imbus d’eux-mêmes et pensent détenir la sagesse divine. Ces élus, à quelques exceptions près, se croient au-dessus de toute critique et peut-être même estiment qu’ils ne doivent recevoir aucune recommandation du chef d’orchestre Essid. Peut-être même que soutenus par leurs partisans, ils chercheraient à le faire tomber plutôt qu’à déployer tous leurs efforts pour assurer sa réussite et le succès d’une autre phase transitoire très difficile pour notre pays.
Le choix d’Habib Essid n’aurait pas convaincu les leaders «éclairés» sortis miraculeusement de l’oubli après le 14 janvier. Ils ont du mal à se voir dans la peau de ministres opérant dans son gouvernement.
Essid, pourrait-il accorder les notes d’un instrument musical aussi mal réfléchi et mal conçu?
C’est la grande question, car la Tunisie a plus que jamais besoin d’une main de fer dans des gants de velours!