La Tunisie est en train de suivre le chemin du Liban, en se vidant progressivement de ses forces vives… de manière irréversible.
En effet, depuis les années 70, il y a eu l’exode rural vers Tunis et la côte, ce qui explique en partie la crise des régions intérieures en déficit humain et en ressources humaines. De ce fait, malgré le chômage, il est très difficile de trouver un gynécologue, à titre d’exemple, dans un hôpital public dans la Tunisie intérieure.
Ce mouvement a concerné, dans les années 80, les villes -même côtières- vers la capitale Tunis, qui compte actuellement pas moins de 2 millions d’habitants, soit 20% de la population nationale. Une ville comme Sfax a perdu plus de 150.000 de ces habitants sur 30 ans, qui sont allés s’installer à Tunis.
A noter que ces départs concernent, généralement, les diplômés du supérieur, les cadres, les chefs d’entreprise. Par conséquent, la Tunisie souffre actuellement d’une macrocéphalie, avec une hyper concentration des hommes, des richesses, des entreprises dans le Grand Tunis.
Pour illustrer le gap qui sépare Tunis du reste de la Tunisie, citons un seul exemple. Selon une étude réalisée en 2010 par un bureau d’études tunisien sur le taux d’encadrement dans les entreprises en Tunisie, ce taux à Tunis égale celui de Singapour, alors celui de Sidi Bouzid égale celui du Bénin.
Depuis les années 2000, ce mouvement migratoire est devenu néfaste pour le pays, car il a pris le chemin de l’étranger et particulièrement l’Europe. Pour plusieurs raisons, dont un déficit de développement, de liberté et de démocratie, et l’absence d’une économie de savoir capable d’intégrer les diplômés du supérieur ayant une grande plus-value.
Actuellement, c’est-à-dire en 2015, il faut savoir que 1.325.000 Tunisiens vivent à l’étranger, dont 40.000 étudiants, 16.000 experts et 4.000 universitaires, selon Belgacem Sabri, secrétaire d’Etat à l’Immigration. Cela est la conséquence de plusieurs carences.
Tout d’abord, le déclin de notre système d’enseignement supérieur, car 40.000 étudiants à l’étranger, c’est pratiquement le nombre d’enfants de toute la classe aisée. Chaque famille tunisienne n’hésite aucun instant à envoyer ses enfants faire leurs études hors de la Tunisie dès qu’elle a moyens de le faire. Cela est dû sans doute à notre système d’enseignement supérieur médiocre, peu performant et ne donnant aucune chance pour l’emploi.
Quand on sait que chaque étudiant peut recevoir 3.000 dinars tunisiens par mois sur 10 fois pendant l’année, soit 30.000 dinars de frais, outre les frais de scolarité et ceux du voyage, soit un coût annuel moyen de 40.000 DT, on peut aisément estimer les sommes énormes dilapidées par la Tunisie, surtout que la majorité de ces cadres formés en devises vont rester à l’étranger et vont faire bénéficier les économies développées de compétences, parmi les meilleures de la Tunisie.
Pourquoi 4.000 universitaires et enseignants choisissent l’étranger? C’est une perte sèche pour l’économie tunisienne et explique en grande partie le déclin de nos écoles supérieures et autres universités. A souligner qu’actuellement plusieurs entreprises privées refusent de recruter les diplômés de l’enseignement supérieur public au profit des diplômés des universités privées et ceux formés à l’étranger –pour ceux d’entre eux qui reviennent. Les chefs d’entreprise estiment que la qualité des diplômes est douteuse et ne correspond à aucune qualité.
Voilà qui nous pousse à dire que le ministre de l’Education nationale, Néji Jalloul, mérite qu’on le soutienne dans son combat pour rehausser le niveau de nos élèves. Car il en va de l’avenir de la Tunisie. Ne l’oublions pas, le décollage économique de notre pays, quelques années seulement après son indépendance, n’a été possible que grâce aux premières générations formées dans des bonnes écoles.
Malheureusement, aujourd’hui on préfère faire la politique mais surtout la mauvaise puisque la plupart de ceux qui la font n’ont pas les bases nécessaires…