La Note d’orientation du Plan de développement 2016/2020 est dépourvue d’un diagnostic approfondi sur les causes de la panne de la croissance en Tunisie, mais aussi de politiques sectorielles et d’une vision claire du développement. C’est le président de l’Unité de l’économie sociale et solidaire au Centre d’études et de recherches économiques et sociales (CERES), abdeljelil Bédoui, qui le dit.
Alors qu’il intervenait à une journée organisée au CERES sur cette Note d’orientation, l’expert considère que la situation économique ne va pas changer en l’absence de politiques sectorielles et de priorités bien définies dans le cadre du Plan.
La Note d’orientation manque de diagnostic…
Pour lui, la note d’orientation reflète un simple constat de la situation économique et des défaillances existantes, sans une étude approfondie des raisons ayant abouti à cette situation.
L’incapacité du modèle de développement tunisien à réaliser ses objectifs depuis l’indépendance et d’atteindre un taux de croissance supérieur à 5% sauf dans de rares cas, résulte, d’après lui, de l’adoption d’un système basé sur la loi du marché dans lequel le rôle régulateur de l’Etat est absent, ce qui a mené à la décomposition du tissu économique.
Bédoui estime que le document actuel du Plan reproduit la même erreur, en l’absence de politiques sectorielles. Il a été critique vis-à-vis de la politique d’impartialité de l’Etat, à l’origine de l’ouverture du marché tunisien aux grandes entreprises internationales lesquelles emploient 77% de la main-d’oeuvre dans des activités à faible valeur ajoutée.
Le professeur en économie à l’université de Tunis plaide également pour un modèle de développement alternatif alors que la Note d’orientation évoque le rôle classique de l’Etat avec l’ajout de l’expression «stratégique».
La Note d’orientation n’a pas évoqué le secteur agricole, en tant que l’un des piliers de l’économie tunisienne. Elle a plutôt consacré quelques paragraphes à l’agriculture biologique, selon ses propos.
S’inspirer de l’expérience sud-américaine…
Le document ignore également la réforme des établissements publics et s’est contentée, dans le chapitre des nouveaux mécanismes de financement, du terme «Zaket».
Bédoui pense qu’il est nécessaire de s’inspirer des expériences économiques de l’Amérique latine, d’adopter des politiques sectorielles, tout en accordant davantage d’intérêt à la réforme des établissements publics et de constituer des holdings publics, pour faciliter le développement du Partenariat Public-Privé (PPP).
Il recommande de réformer le système bancaire pour accroître son concours à l’économie nationale, de réviser l’Accord du libre-échange complet et approfondi (ALECA) avec l’Union européenne. Mais nous nous permettons de rectifier notre spécialiste, en disant qu’on “révise” un accord qui n’est qu’à son stade de discussion.
De son côté, le directeur général du CERES, Ridha Chkondali, juge nécessaire d’axer le Plan quinquennal sur des hypothèses et d’accorder une place de choix à la situation de la Libye et son impact sur l’économie tunisienne.
1 milliard de dollars accordés annuellement aux sociétés offshore…
Dans son intervention, l’économiste et ancien fonctionnaire à la Banque de développement économique de Tunisie (BDET), Jamel Aouididi, critique les avantages accordés chaque année (1 milliard de dollars) par la Tunisie aux sociétés off-shore, appelant à la nécessité d’évaluer leur rendement.
Il critique, en outre, l’impact des choix économiques précités qui ont provoqué la disparition d’un secteur tout entier à l’instar de l’industrie des chaussures ainsi que la fermeture de certaines entreprises économiques trois mois après leur privatisation.
Le chef du gouvernement, son conseiller, le président du Conseil des analyses économiques et la secrétaire d’Etat auprès du ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale ont présenté les principaux chapitres de la Note d’orientation du Plan stratégique de développement.
Parmi les orientations stratégiques du Plan figurent la reprise progressive de l’activité économique en 2016 et 2017, la réalisation d’un taux de croissance de 5% à partir de l’année 2018, l’accroissement à 25% du taux de l’investissement dans le PIB, l’amélioration de l’environnement de l’investissement, l’optimisation de l’exploitation des ressources naturelles, l’impulsion du développement régional et l’amélioration de l’attractivité des régions.
Le Plan quinquennal de développement s’est fixé également comme objectif d’améliorer la productivité du travail de 2%, de réduire le taux de la pauvreté et de réformer les systèmes sociaux.