«Tunisair prévoit une opération spéciale baptisée “Escapade en Tunisie” durant cet hiver pour booster les ventes». C’est ce qu’annonce le directeur général de Tunisair France, Slaheddine Blidi, dans une interview accordée à la correspondante de TAP à Paris.
Il a évoqué une chute d’un tiers du flux des touristes français sur la période de janvier à août 2015, parlé de la place qu’accorde la compagnie nationale au marché français et des démarches prévues par la compagnie pour encourager les Tunisiens résidant en France ou ailleurs à passer des vacances en Tunisie.
Qu’est-ce que Tunisair a prévu concrètement pour encourager les Tunisiens qui résident en France ou ailleurs, à passer des vacances en Tunisie en dehors de la saison estivale?
Slaheddine Blidi: Nous avons prévu une opération spéciale qui sera nommée “Escapade en Tunisie” durant cet hiver. Son objectif est de booster les ventes et offrir aux Tunisiens de différentes tranches d’âge la possibilité de visiter leurs familles. Il s’agit de courts séjours à des prix alléchants.
L’opération sera lancée, au plus tard, au début de novembre et se poursuivra jusqu’à la fin de mars. Elle a pour finalité également, d’encourager les touristes à visiter la Tunisie.
Les prix vont-ils concurrencer ceux qui sont affichés sur les vols charter?
Oui. En fait, la spécificité des vols charter est qu’ils sont gérés par les TO et sont généralement liés à des séjours dans les hôtels, ce qu’on appelle un package. L’opération “Escapade en Tunisie” n’exige pas une réservation dans un hôtel. D’ailleurs, nous allons avoir deux sous-produits. Un sous-produit dédié aux touristes français qui veulent avoir probablement un hôtel -et là nous allons certainement travailler avec des tours opérateurs pour commercialiser le produit.
Egalement, nous allons nous adresser sur nos vols réguliers à nos compatriotes en leur offrant des vols secs à destination des villes tunisiennes: Tunis, Djerba et Monastir.
Vous avez misé sur les Tunisiens à l’étranger pour compenser la baisse au niveau des touristes. Il existe alors un potentiel chez la communauté tunisienne qu’il faut exploiter?
C’est un effort exceptionnel qui a été fourni de toutes les manières, parce que nous y étions contraints.
C’est-à-dire?
Nous étions contraints à tous les niveaux. Avec les difficultés qui ont marqué la conjoncture, l’Etat s’est senti concerné par la question. Il y avait aussi, une pression de la part de la communauté tunisienne à travers les associations, l’ambassade, les médias pour afficher des réductions au niveau des tarifs, et ce parce que beaucoup de Tunisiens estiment que les prix des billets sont assez chers et qu’il y a lieu de faire des “gestes” pour encourager le maximum de Tunisiens à voyager en Tunisie notamment, pendant l’été. Mais il y avait aussi cette nécessité pour nous, de nous adapter rapidement à la conjoncture. Nous étions en face d’une contrainte, celle des avions. Ils étaient déjà programmés et il fallait essayer de combler le manque de passagers touristiques. C’était donc un passage obligé de nous rabattre sur le reste de la clientèle qui peut redresser un peu la situation.
Cela prouve qu’il y a un potentiel parmi les Tunisiens qui vivent à l’étranger, essentiellement en France. Pourquoi Tunisair ne mise pas sur cette masse en lui accordant des avantages?
Nous sommes bien conscients qu’il y a une colonie tunisienne importante qui constitue une sorte de gisement qu’il va falloir exploiter à fond. Toutefois, notre démarche est basée sur l’approche: servir dans les limites de nos possibilités, aussi bien les Tunisiens qui vivent en France que le secteur touristique et l’économie tunisienne. Cela dit, concernant les Tunisiens, il faut avancer une chose importante.
En fait, le flux du trafic constaté chez les Tunisiens est concentré majoritairement sur l’été. Cela n’est pas de nature à garantir une sorte de rentabilité minimale à notre activité, car le problème va se poser au niveau du reste de l’année, soit 9 à 10 mois.
Par ailleurs, l’effort déployé par le service commercial durant cette période touche pratiquement toutes les catégories de passagers. L’effort concerne à la fois nos compatriotes qui vivent en France en plus des touristes français ou autres. Nous avons aussi, des passagers des pays africains pour lesquels nous faisons des efforts pour les fidéliser et pour attirer le maximum parmi eux pour qu’ils voyagent avec Tunisair via le Hub de Tunis-Carthage.
Tunisair s’est fixée des objectifs clairs pour mettre en place une politique tarifaire et des conditions de voyage favorables durant les prochains mois, voire les prochaines années pour attirer le maximum parmi la communauté tunisienne qui ne voyage pas fréquemment en Tunisie tout au long de l’année. Nous allons travailler sur cet objectif pour que ça soit mis en place progressivement.
Est-ce que vous avez fixé des délais pour concrétiser votre objectif?
Nous avons comme objectif d’attirer une moyenne de 20% de clientèle supplémentaire par an durant les cinq prochaines années.
Tunisair a accordé une promotion de 30% en faveur des Tunisiens à l’étranger pendant l’été 2015. Toutefois, plusieurs reproches lui ont été faits à cause de l’organisation de l’opération de vente dans les agences. Qu’en pensez-vous?
Dans l’ensemble, nous estimons que c’est une opération réussie malgré les difficultés rencontrées. C’est une mesure qui a été décidée au dernier moment, mais nous sommes là pour travailler. Par contre, ce qui importe à signaler, c’est que nous étions obligés de prendre la décision de fermer les portes de l’agence, notamment, celle de Tunisair à Paris, à 16 heures à cause du flux considérable et imprévisible des clients.
Cela nous a permis d’effectuer les réservations. Nos agents ont d’ailleurs travaillé jusqu’à une heure tardive. Il était hors de question de travailler jusqu’à 18 heures parce que les agents auraient été obligés de travailler jusqu’à minuit.
Tunisair a certainement réalisé des bénéfices grâce à cette opération…
Naturellement. D’ailleurs, nous avons pu augmenter les ventes de 35% par rapport au trafic habituel dédié à nos compatriotes.
Quel conseil donnez-vous aux Tunisiens à l’étranger pour qu’ils puissent bénéficier des tarifs moins chers?
Je leur recommande d’acheter les billets largement tôt, en avance. C’est-à-dire dès le mois de janvier, dès l’ouverture de la vente. Ils bénéficieront ainsi des meilleurs tarifs. Ils doivent aussi voyager beaucoup plus durant l’année.
Que représente le marché français pour Tunisair?
C’est le premier marché de la compagnie avec un peu moins de 40% par rapport au trafic global. Nous nous situons ces dernières années de 37 à 38%.
Néanmoins, le flux des touristes français a chuté d’un tiers sur la période de janvier à août 2015. La chute était de deux tiers par rapport à 2010, soit une baisse de presque 65 % toujours sur la même période.
Le marché français s’en est sorti avec moins de dégâts. La compagnie Tunisair n’a subi que 4% de baisse en termes de trafic régulier avec une légère hausse de 2% de l’offre. Cela est dû en fait, à une augmentation substantielle du trafic ethnique qui est de plus de 35%. Cette hausse est le résultat de la promotion de 30% affichée en faveur des Tunisiens à l’étranger.
Quel bilan faites-vous de l’été 2015?
Il faut savoir que l’année 2015 a été marquée par une conjoncture assez difficile, essentiellement les attentats de Charlie Hebdo en France, et les attentats de Bardo et de Sousse en Tunisie. Ce sont les touristes étrangers qui ont été ciblés par les deux attentats en Tunisie, ce qui a affecté le secteur du tourisme.
Par ailleurs, la montée en puissance du terrorisme dans les pays arabo-musulmans et l’aggravation de la situation suite aux guerres dans différents pays arabes ont conduit au bout du compte à un sentiment de rejet, voire de phobie à l’égard des destinations arabo-musulmanes. Il s’agit là des traits qui ont marqué la conjoncture en 2015.
Nous nous réjouissons ces derniers jours de l’attribution du prix Nobel de la Paix à la Tunisie, ça nous réconforte dans le sens où ce prix donne une nouvelle image de la Tunisie avec l’espoir d’une reprise et du regain du trafic touristique des français sur le marché tunisien.
La compagnie Tunisair a subi aussi une régression du coefficient de remplissage de 4%, et une baisse de 8% des sièges vendus dans l’activité charter qui est une activité touristique.
Cette baisse au niveau du charter est-elle due à la concurrence accrue dans le domaine?
La baisse est le résultat comme je viens de l’expliquer, de l’image du pays. C’est vrai. Il y a une concurrence assez rude, mais nous avons réussi quand même, à maintenir notre part de marché par rapport aux années précédentes.
Nous l’avons même légèrement amélioré en 2014, ce qui prouve bel et bien, qu’il y a eu une baisse globale sur la destination, et que naturellement si on suit la baisse des flux touristiques en Tunisie, on serait à moins de 33 à 34 % de trafic. Mais nous avons rebondi et essayé d’attirer le maximum de clients parmi nos ressortissants tunisiens pour compenser cette baisse. Cet effort nous a permis de conclure la saison jusqu’au 31 août avec une baisse de 4 % seulement.
Comment Tunisair procède-t-elle pour faire face à la concurrence du charter sur un marché potentiel, la France?
C’est une réalité. La concurrence est devenue de plus en plus rude entre la France et la Tunisie sur un marché où la demande, malheureusement, ne cesse de baisser. Comme je l’avais déjà annoncé, Tunisair a réussi à préserver sa part de marché et elle l’a même augmenté en 2014, tout en restant leader sur le marché. C’est le résultat des efforts déployés à tous les niveaux par les différents acteurs du groupe de Tunisair.
Concernant les prix, ils sont mis en place par référence au marché et prennent en compte plusieurs facteurs, notamment le jour de l’opération, la conjoncture. Ces prix sont gérés au niveau du siège à travers le logiciel Yield Management.
En fait, la concurrence joue au profit des clients en tant que régulateur de prix. Finalement, il faut savoir que Tunisair n’est pas une compagnie Low-cost. C’est une compagnie traditionnelle et nos standards de qualité et de coût n’ont pas les mêmes tendances.
Egalement, il y a un problème de concurrence déloyale. Il faut prouver que les règles sont respectées par toutes les compagnies. C’est une guerre. Nous sommes dans un marché concurrentiel et c’est clair qu’il y a des rapports de force. Nous essayons de faire face à ces éléments dans les limites du possible. D’ailleurs, les prix très bas pratiqués par les concurrents ne reflètent pas la réalité. Le prix raisonnable est celui qui est proche de celui affiché par Tunisair.
Qu’est-ce que Tunisair a prévu pour s’imposer davantage sur le marché français?
L’évolution des nouvelles technologies dans l’ère du numérique nous impose l’alignement à la concurrence et la maîtrise de nos coûts pour rester compétitifs. La stratégie de Tunisair vise en premier lieu à se distinguer par rapport à nos concurrents par la qualité de service. Concernant le développement du tourisme, nous travaillons conjointement avec l’ONTT pour promouvoir au maximum les destinations tunisiennes. Nous travaillons sur un objectif d’amélioration sensible de la rentabilité du marché combinée à une amélioration du trafic.
Cela va passer par des axes importants. Il s’agit tout d’abord de l’incitation de la clientèle tunisienne à voyager avec Tunisair.
Ensuite, le démarchage de la clientèle africaine pour prendre des vols de Tunisair au départ de la France pour voyager sur les destinations africaines desservies par la compagnie.
Enfin, la mise en place conjointement avec l’ONTT d’une politique d’attraction des touristes pour une reprise progressive du trafic habituel.
Tunsiair a participé, fin septembre, au Salon mondial du tourisme, Top Resa 2015. Quel est le bilan?
Tunisair était présente une nouvelle fois à cette édition à travers un stand qui a mis en avant le nouvel avion gros porteur acquis par la compagnie.
L’événement nous permet, notamment de prendre des rendez- vous avec différents professionnels du tourisme et principalement des TO avec lesquels nous avons des engagements professionnels.
Nous avons également eu différents échanges avec plusieurs acteurs du monde du voyage qui devront nous permettre d’optimiser la promotion de nos destinations auprès des clients finaux.
Pour Tunisair, le bilan Top Resa 2015 est donc positif. Ses résultats finaux ne seront connus que durant les prochains mois. Toutefois, nous demeurons optimistes avec bien entendu des perspectives de croissance que nous espérons confirmer dans les mois à venir.