Des voix s’élèvent de plus en plus pour stigmatiser le laxisme des services de l’Etat à l’endroit des commanditaires de la contrebande, de l’infiltration des rouages de l’Etat par ces derniers et de leurs relations avec le terrorisme djihadiste et le crime organisé.
Le rapport Davos 2015-2016 a classé la Tunisie en matière d’impact du terrorisme en termes de coût sur les affaires au 128ème rang mondial, de coût des crimes et violence sur les affaires à la 101ème et de coût du crime organisé à la 97ème, et ce sur un totale de 140 pays listés.
La pression sur le gouvernement Essid est, désormais, à son comble. Médias, société civile, OONG internationales et syndicats crient au ras-le-bol. Ils ne ratent aucune occasion pour dénoncer cette tolérance scandaleuse avec la corruption et vont jusqu’à parler de complaisance et de complicité.
A l’origine de cette fronde: l’intensification, ces derniers temps, des cas de corruption et des cas d’impunité dont jouissent certains complices des contrebandiers et terroristes parmi les hommes d’affaires, les douaniers et les forces de sécurité.
Corruption : implication d’hommes d’affaires, de douaniers et de policiers
Trois récents cas de contrebande sont édifiants à ce sujet. Le premier concerne la saisie, en mars 2015, de 350.000 pièces de feux d’artifices d’une valeur de 3 MDT importés illégalement par un homme d’affaires avec la complicité de deux douaniers.
Lors d’une interview accordée, ces jours-ci, à une chaîne de télévision privée, Mohamed Ghodbani, président du bureau exécutif du syndicat des agents de la douane, a fait une révélation fracassante. L’homme d’affaires impliqué dans cette affaire serait même un membre de la Commission nationale de lutte contre la contrebande. Sans commentaire.
Le deuxième cas concerne l’arrestation d’un des cartels de la contrebande, à Ben Guerdane, le fameux cartel «Wachoucha» composé de cinq contrebandiers d’une même famille. Selon certaines informations concordantes citées par un quotidien d’expression arabe, en l’occurrence Chourouk, et de sites électroniques, les contrebandiers auraient révélé des complices: au moins 5 hommes d’affaires et des officiers de haut rang dont un général de la police et de hauts gradés de la douane. Sans commentaire.
Le troisième a trait à la découverte dans la région de Mahdia d’un entrepôt abritant une trentaine de tonnes de publications apostasiantes de tendance Wahabite. Ces tonnes illégalement importées en conteneurs auraient transité par le fameux Port de Radès. La question qui se pose dès lors est : qui est l’officier de douane qui a laissé passer une telle marchandise? Là aussi sans commentaire.
Le Centre mondial de lutte contre la corruption met en garde
Cette indulgence vis-à-vis des contrebandiers-terroristes et de leurs complices a amené le Centre international de lutte contre la corruption, basé en Grande-Bretagne, à lancer un SOS, à mettre en garde les autorités tunisiennes contre les conséquence néfastes de la dégradation de la situation et à les exhorter de contenir au plus vite le phénomène avant qu’il ne soit trop tard.
Dans un document rendu public le 16 octobre 2015, Kamel Ayadi, président du département Mena dudit Centre, appelle le gouvernement à réviser son approche sur la lutte contre la corruption, insistant sur l’enjeu de mettre au point une stratégie claire, à cette fin. Le Centre invite même le gouvernement à publier des données sur la récupération par l’Etat des fonds publics accordés aux listes qui ont participé aux dernières élections générales.
Il invite l’Assemblée des représentants du peuple à accélérer l’adoption, en urgence, de deux projets lois: le premier portant sur la création d’une Instance nationale de lutte contre la corruption (Instance prévue par l’article 130 de la Constitution), tandis que le second a trait à la protection des dénonciateurs.
Et pour ne rien oublier, Kamel Ayadi propose au gouvernement d’organiser une conférence nationale sur la lutte contre la corruption.
Absence de volonté politique
Quant à nous, nous constatons avec amertume hélas l’absence de volonté réelle du gouvernement en place de lutter avec rigueur contre la corruption.
A preuve, dès sa nomintation, le gouvernement Essid a été fortement critiqué par des voix locales, pour n’avoir pas prévu un département ministériel dédié à la “bonne gouvernance et à la lutte contre la corruption“. Des partenaires étrangers (américains, allemands…) et autres bailleurs de fonds ont relayé la fronde locale pour déplorer le peu d’intérêt accordé à la lutte contre la corruption. Mais apparemment sans aucun résultat…
Lire : Economie: Un rapport de la BERD révèle les plaies de 4 pays MENA