En attendant la concrétisation du projet d’un musée national agricole, quelques anciens outils agricoles, dont des charrues en fer de différentes tailles, un bât destiné au transport des jarres, un appareil de pesage en bois, occupent un petit stand au 12ème Salon international de l’agriculture, du machinisme agricole et de la pêche (SIAMAP) qui se tient du 28 octobre au 01 novembre 2015 au Palais des expositions du Kram (banlieue nord de Tunis).
Le projet du musée annoncé le 21 mai 2014 par l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (UTAP), à l’occasion de la célébration de la fête de l’agriculture, sera le thème d’une conférence qui se tiendra début 2016 en présence d’experts tunisiens et étrangers.
Les musées agricoles connaissent un essor considérable notamment en Europe, selon Maha Hedhili, chargée du service des archives à l’UTAP. L’objectif du projet est de sauvegarder les outils agricoles qui constituent des pièces uniques en voie de disparition parce qu’ils comportent du fer, un métal très sollicité.
Les unions régionales de l’UTAP contactent les agriculteurs afin de les sensibiliser quant à l’importance de collecter les pièces dont ils disposent, précise encore Hedhili, estimant toutefois que ces derniers (agriculteurs) restent perplexes quant à l’importance de cette action. Et d’ajouter à TAP, que ce projet est en cours d’élaboration en partenariat avec les archives nationales de Tunisie (ANT), l’Institut supérieur du patrimoine et l’Institut supérieur de l’histoire de la Tunisie moderne de la Manouba.
Plusieurs institutions agricoles tunisiennes, à l’instar de l’Institut national agronomique de Tunisie (INAT) possèdent d’anciens outils agricoles qu’elles exposent habituellement au sein de leurs sièges, a-t-elle encore indiqué.
Musée agricole, la passion d’un ingénieur en pétrole
Pour Mohamed Ali Belhaj Lakhdhar, propriétaire et collectionneur des outils exposés et l’un des participants à l’initiative de l’UTAP, le musée qui est en cours de réalisation, devra être réalisé dans un gîte rural situé dans une zone agricole.
Mohamed Ali, âgé de 58 ans, a préféré il y a trois ans, prendre sa retraite anticipée en tant qu’ingénieur en pétrole pour se consacrer à la vente et l’achat d’outils agricoles utilisés. Collectionneur, depuis 40 ans, de vieux outils agricoles, il s’est spécialisé dans la vente des outils modernes et la préservation des anciens.
Pour lui, la création d’un musée agricole est un rêve qu’il a caressé depuis des années, notamment lors de ses voyages au cours desquels il a découvert que contrairement aux pays arabes (à l’exception de l’Egypte), les pays européens possèdent un nombre important de musées agricoles.
Expliquant sa participation à la mise en place du musée national agricole, il a affirmé : «au début l’idée consistait à créer mon propre musée pareil à ceux qui existent en Europe, mais j’ai changé d’avis». «Je suis aujourd’hui convaincu que seul l’Etat est en mesure de préserver et d’assurer la pérennité de ce projet».
Montrant du doigt les outils agricoles fabriqués en fer, El Haj Lakhdhar explique: «j’ai obtenu ces outils à la dernière minute avant qu’un ferrailleur ne mette la main dessus et parfois avant qu’un ouvrier ne les jette dans le feu pour les faire fondre».
Certaines de ces pièces sont uniques comme ce presse-raisin en fer. «Si je n’avais pas vu une pièce semblable à l’étranger, je n’aurais jamais été capable de deviner à quoi servait cet outil (presse-raisin)», a-t-il dit.
Pointant une plaque en bois de plus d’un mètre de longueur et 50 centimètres de largeur, dotée d’une lame en acier et fixée au milieu avec une pierre, il a indiqué que cet appareil «était utilisé comme moissonneuse-batteuse pour séparer la graine de blé ou d’orge de l’épi».
Evoquant sa passion, Mohamed Ali qui pratique l’élevage de chevaux à Kalaat El Andalous (gouvernorat de l’Ariana), raconte ses visites effectuées dans toutes les régions du pays, et notamment les marchés hebdomadaires pour acheter et parler avec les agriculteurs des pièces qu’il déniche et de leur utilisation, chose qui n’est pas toujours évidente. «Mes efforts sont axés sur la concrétisation de ce projet lentement et selon mes capacités financières», a souligné Mohamed Ali, ajoutant que tous ses revenus sont destinés à sa famille et à l’acquisition des différentes pièces qu’il trouve. «Quelque fois, je recours à l’endettement pour répondre à mes besoins », a-t-il encore ajouté.
Outre le stand consacré aux outils et pièces agricoles anciennes, le salon comporte un autre stand dédié aux anciens documents relatifs à l’histoire de l’agriculture. Il s’agit de courriers et de décisions émanant d’un nombre d’administrations concernées par l’activité agricole pendant l’occupation française, comme celle relative à la création de l’école agricole Sidi Ennaceur à Sminja (Zaghouan) qui date du 19 mai 1941.
Le salon comporte, par ailleurs, des copies de périodiques agricoles spécialisés comme le guide de l’agriculteur. Selon le DG de l’ANT, Hedi Jalleb, son institution possède des milliers de documents sur l’agriculture dont le plus ancien remonte à 1431 et concerne les habous revenant aux pauvres et nécessiteux de Sfax. L’ANT oeuvre à protéger ce document contre la lumière, le toucher et l’air en procédant à la numérisation des données, a indiqué le responsable. Il a, en outre, estimé que le musée national agricole nécessite au moins deux années de préparation.
Ce projet ne manquera pas de protéger un patrimoine économique important et des connaissances qui ne sont pas étrangères à la Tunisie, dont l’un de ses érudits, le carthaginois Magon rédigea le plus grand traité d’agriculture de l’antiquité qui fût reconnu par le pire ennemi de Carthage à savoir Rome, a-t-il encore soutenu.