A l’heure où certaines filières agricoles conventionnelles connaissent des crises conjoncturelles ou structurelles, l’agriculture biologique peut offrir de réelles perspectives pour les producteurs tunisiens.
«Investir dans le bio reste payant», assure Mohamed Kedher, expert international en agriculture biologique dans son intervention, vendredi 30 octobre, à une conférence sur l’agriculture biologique tenue en marge de la 12ème édition du Salon international de l’agriculture, du machinisme agricole et de la pêche (SIAMAP).
Il rappelle que dans des secteurs tels que l’huile d’olive ou les dattes, 90% de la production tunisienne est produite selon les normes de l’agriculture durable. Cependant, «la certification, reste le maillon faible qui entrave encore un vrai décollage de ces produits pour être reconnus en tant que produits biologiques». Selon lui, les dattes et l’huile d’olive, produits typiques de la Tunisie, sont devenus les produits les mieux représentés sur le marché bio tunisien.
Selon les données publiées par le ministère de l’Agriculture, les recettes d’exportation de l’huile d’olive biologique qui représente 80% du total des exportations des produits biologiques de la Tunisie, ont enregistré une croissance de 300% par rapport à la saison écoulée, pour s’établir à 190 millions de dinars (MDT).
Ces quantités sont exportées par 32 opérateurs vers 10 destinations, notamment l’Italie (48%), la France (22%) et l’Espagne (18%).
La quantité d’huile d’olive biologique conditionnée représente 5% de la quantité totale de l’huile d’olive biologique exportée.
Pour Kedher, tous les efforts doivent aujourd’hui être axés sur les volets certification et la mise en place d’une vraie stratégie de développement de l’agriculture biologique.
Les enjeux à relever pour l’agriculture bio
Les enjeux de l’agriculture biologique sont multiples: créer de la valeur ajoutée et des emplois sur les superficies agricoles et non agricoles (forêts, pâturages…), tout en préservant le sol, l’eau, l’air et la biodiversité outre la santé des producteurs et des consommateurs.
Avec une superficie estimée à 220.000 hectares (16.500 ha en 2001), l’agriculture bio tunisienne présente une réponse solide à cette nécessité d’avoir une compétitivité multiple du secteur agricole (compétitivité sociale, environnementale et économique), estime, pour sa part, Samia Maamar, directrice générale de l’agriculture biologique au ministère de l’Agriculture et des Ressources hydrauliques).
D’après elle, «nous ne sommes plus qu’un secteur de production, nous représentons un secteur qui préserve l’environnement, la santé humaine et animale, tout en visant une équité sociale et une plus-value pour l’agriculteur et le citoyen tunisien».
Et d’ajouter que la stratégie tunisienne à l’horizon 2020, mise en place pour la première fois grâce aux efforts du ministère et surtout la contribution des professionnels du secteur de l’agriculture bio, vise justement à concrétiser trois grands axes: la plus-value du secteur, la préservation de l’environnement et de la santé. Avec l’objectif de développer des filières des produits bio. «Nous avons choisi 20 filières dont 8 animales qui peuvent booster le secteur».
Outre les filières traditionnelles comme l’huile d’olive et ses dérivés (savons, cosmétiques), les dattes, les plantes médicinales et aromatiques, notre programme a intégré de nouvelles filières comme l’héliciculture et ses dérivés, l’aquaculture mais aussi la culture des micro-algues comme la spiruline, une algue très prisée pour sa valeur protéinée importante.
Autre volet sur lequel est axée la stratégie, le développement de 5 zones choisies (Bizerte, Nabeul, Siliana, Kasserine et Tozeur), lesquelles constitueront des plateformes de promotion de l’agriculture bio en Tunisie.
Quid de l’agriculture bio dans le monde?
Selon les données présentées dans le cadre de la conférence, l’agriculture biologique est pratiquée actuellement dans 170 pays par 2 millions de producteurs (les 2/3 sont établis en Afrique et en Asie) pour une superficie totale de plus de 72 millions d’hectares dont 35 millions d’hectares en parcours, forêts et pâturages et le reste en cultures.
Le marché des produits biologiques est évalué, en 2013, à 72 milliards de dollars (10 milliards de dollars en 1998). L’Europe et les Etats-Unis y contribuent à hauteur de 40% et 43%.