Au terme de la brève visite qu’il avait effectuée, le 22 octobre 2015, en Tunisie, le général Frank Gorenc, chef du commandement des Forces aériennes des Etats-Unis en Afrique et en Europe, a déclaré que «la Tunisie est consciente des défis sécuritaires auxquels elle est confrontée qui restent une responsabilité commune aux plans régional et international».
Pour des observateurs avertis, cette déclaration d’un aussi haut responsable militaire de la région n’a pas bénéficié de l’intérêt médiatique requis et est passée presque inaperçue. Elle est loin d’être ni fortuite ni protocolaire. Elle intervient trois jours seulement après la plus grande manœuvre militaire effectuée par l’OTAN en mer Méditerranée et à la laquelle ont pris part 30 Etats, 36.000 hommes, 230 unités militaires, 140 avions et 60 navires de guerre.
Imminence d’une guerre
Pour certains analystes, au regard de son timing, cette déclaration constitue un tournant dans la région en ce sens où elle vient avertir les Tunisiens et les mettre en garde contre l’imminence d’une guerre à ses frontières avec la Libye.
Lors de son récent passage à Madrid, le chef du gouvernement Habib Essid a confirmé cette menace: «Nous avons des informations inquiétantes à propos de Daech, qui s’approche de nos frontières. L’organisation terroriste est aujourd’hui à Sabratha, à seulement 70 km des frontières de notre pays. Nos forces armées sont, aujourd’hui, à pied de guerre pour sécuriser nos frontières», a-t-il prévenu.
Il semble que le compte à rebours ait commencé pour mettre fin au chaos qui règne en Libye et surtout à la menace que fait peser le mouvement terroriste Daech sur tous les pays comme la Tunisie, l’Algérie, le Tchad, le Darfour au Soudan, le Niger et le Mali. Plusieurs indices militent en faveur de ce scénario.
Les indices
Premièrement, les frappes russes contre les terroristes daechistes en Syrie peuvent être assimilées à un coup de pied dans une fourmilière. Pris de court par ces frappes, les terroristes ont décrété la mobilisation générale, et commencent à fuir dans toutes les directions, particulièrement vers le sud de la Méditerranée, c’est-à-dire vers la Libye.
Selon certains services de renseignement, les “sponsors“ de Daech -les Turcs d’Erdogan et les Qataris- s’emploieraient, ces temps-ci, à les acheminer de nuit à Syrte fief de Daech en Libye.
Deuxièmement, face à cette marée djihadiste acheminée par mer, par air et par terre, les troupes du général libyen Khalifa Belqasim Haftar se sont avérées, au regard des résultats, incapables d’occuper le terrain et de faire face aux terroristes djihadistes dont la puissance logistique reste intacte en Libye: des ports à Derna et à Sobrata, des aéroports à Syrte et des troupes fraîches qui arrivent de toutes parts.
Même des Tunisiens participent à cette mobilisation daechiste. On a encore à l’esprit les trente personnes originaires de Remada qui ont fui le pays vers Syrte. Le cheikh Zeitounien, Ferid Béji, a parlé, pour sa part, de la disparition de 130 djihadistes originaires de Sidi Hassine, banlieue populaire à l’ouest de Tunis.
Des contrebandiers tunisiens sont également de la parte. Le ministère tunisien de l’Intérieur a annoncé récemment l’interception d’un contrebandier tunisien sur le point d’introduire clandestinement des uniformes militaires placés dans un entrepôt en Libye.
La Tunisie a besoin de la coopération internationale
L’ambiance est désormais une ambiance de bruits de bottes et de préparation à la guerre. La question qui se pose dès lors: dans quelle mesure la Tunisie serait-elle capable de refouler Daech contre laquelle une armée syrienne de 400.000 hommes n’a rien pu faire pendant quatre ans?
La petite Tunisie, qui n’a investi que peu d’effort de guerre, est désormais et malgré elle sur le pied de guerre. Le sous-équipement de son armée ne lui permet que résister, d’où tout l’enjeu de la coopération internationale si jamais cette guerre se déclenchait. Et c’est là que la déclaration du général Frank Gorenc, chef du commandement des Forces aériennes des Etats-Unis en Afrique et en Europe, trouve sa pleine signification surtout quand il parle de «responsabilité commune aux plans régional et international».
Décryptage: les Etats-Unis peuvent intervenir et aider les Tunisiens. Cependant, comment peuvent-ils le faire sans gêner nos voisins algériens qui sont hostiles à toute intervention étrangère?
En attendant, le gouvernement tunisien a tout intérêt à décréter la mobilisation générale et à préparer à ce scénario catastrophe les Tunisiens qui, insouciants, ne font pour le moment que chanter et danser.