La disposition inscrite dans le cadre du projet de la loi des finances 2016 relative à la levée du secret professionnel (tous les secteurs à l’exception des secteurs de la santé et de la statistique) est une première qui constitue une menace pour plusieurs métiers». C’est en tout ce qu’estime Anis Wahabi, membre du Conseil de l’Ordre des experts-comptables de Tunisie (OECT).
Dans une interview accordée à l’agence TAP, il explique que cette disposition menace le principe de protection des données personnelles et des services économiques dans plusieurs secteurs, notamment bancaire, le consulting (avocats, comptabilité, consulting fiscal et les études). Cette approche créera une situation de chaos au niveau de ces spécialités.
Selon lui, la levée du secret professionnel créera un climat de suspicion et de méfiance dans nombre de professions basées sur le principe de confiance et de coopération entre le professionnel et le client qui lui révèle ses secrets en vue d’obtenir conseil et orientation. «Il ne faut pas penser que le professionnel aide forcément son client à recourir à l’évasion fiscale mais lui vient en aide pour l’amélioration de son rendement conformément à la loi», a-t-il fait savoir.
Wahabi indique également que les législations en vigueur dans tous les pays consacrent le principe de protection du secret professionnel à l’exception de tout ce qui concerne la sécurité du pays et d’autres cas bien précis. «La protection du secret professionnel est en soi un moyen de rassurer les clients notamment en ce qui concerne leurs spécificités et leurs intérêts, outre la mise en place de relations professionnelles saines», précise encore l’expert. Pour lui, toute opération de levée du secret professionnel nécessite la mise en place de fondements clairs pour la protection des données divulguées et des mécanismes clairs de protection; ce qui n’a pas été pris en compte dans le cadre du projet de loi présenté.
Il a, par ailleurs, estimé que l’article 41 du projet de la loi des finances 2016 ouvrira la voie à la levée de tout type de secret professionnel à l’exception des données sur la santé et statistiques. Cette approche donnera à l’administration un accès illimité aux données (bancaires et autres sans obligation d’avoir recours au contrôle judiciaire).
Wahabi met l’accent sur l’importance de cette disposition dans la mesure où elle permettra à l’administration d’accéder à une large base de données pour le contrôle des opérations financières et de développer l’efficience des opérations de contrôle. Toutefois, a-t-il encore précisé, cette disposition touchera les droits des contribuables.
Concrètement, le texte suggéré ne mentionne pas expressément la nécessité de prévenir le concerné, ce qui constitue une atteinte aux droits élémentaires de protection de la vie personnelle, d’une part, et un obstacle à la garantie de l’efficience des opérations de contrôle au cas où l’administration fait des interprétations erronées.
En guise de conclusion, l’expert a estimé que le meilleur moyen de contrôler l’évasion fiscale, c’est la coopération entre toutes les parties y compris l’administration, les banques et les professionnels. Cette approche a été mentionnée par le ministre des Finances, Slim Chaker, qui a annoncé le lancement d’un dialogue entre les professionnels et les contribuables.