Un des premiers opérateurs économiques en général et architectes tunisiens en particulier à s’être lancé dans l’aventure de l’exportation des produits et services tunisiens, notamment en Afrique subsaharienne, Amir Turki, architecte de son état, patron du cabinet Archibat, a un gros pincement au cœur lorsqu’il regarde dans le rétroviseur. Car pour lui le chemin parcouru dans ce domaine ne représente qu’une infime partie du boulevard qui s’est ouvert aux Tunisiens depuis quelques années. Bref, que le bilan est plutôt maigre et très en deçà des espérances du départ pour ce qui est de la présence tunisienne en Afrique subsaharienne.
Amir Turki le clame aujourd’hui de nouveau haut et fort au lendemain de sa participation, avec une trentaine d’autres entreprises, à la troisième édition du Salon international du bâtiment et des matériaux de construction (Bativoire, 7-10 septembre 2015). Une participation qui n’a fait que souligner –pour la énième fois- les multiples problèmes entravant une vraie percée tunisienne en Afrique subsaharienne et, par conséquent, accentuer la frustration du patron d’Archibat.
Certes, constate M. Turki, les choses commencent à bouger et des progrès sont enregistrés. D’abord, «les Tunisiens ont enfin compris que le réseautage est indispensable pour espérer pouvoir décrocher des projets en Afrique subsaharienne». Ensuite, le gouvernement commence à accompagner les opérateurs dans leurs efforts pour conquérir des marchés dans cette partie du monde.
A Bativoire, la délégation tunisienne était accompagnée de Anis Ghedira, secrétaire d’Etat chargé de l’Habitat auprès du ministre de l’Equipement et de l’Aménagement du territoire. «C’est une première», souligne notre interlocuteur. Qui estime toutefois que le chemin est encore long devant les opérateurs Tunisiens, car encore loin de faire le nécessaire, tout le nécessaire, pour récolter les contrats tant désirés. Contrats qui ne viendraient que si entreprises et gouvernement font beaucoup plus d’efforts et conjuguent leurs efforts pour combler les nombreuses faiblesses retardant une percée tunisienne digne de ce nom en Afrique au Sud du Sahara.
De ses confrères opérateurs économiques, Amir Turki attend d’abord qu’ils soient à l’écoute du marché africain en général et qu’ils ne cherchent pas, comme il reproche à certains d’entre eux d’essayer de le faire en Côte d’Ivoire, à imposer un produit ou une manière de faire dont les destinataires ne veulent pas.
A titre d’exemple, le patron d’Archibat regrette qu’«en Afrique certains promoteurs immobiliers ne veulent, comme en Tunisie, faire que du haut standing, alors qu’on leur demande des logements ne coûtant pas plus de 30.000 dinars».
Des autorités, Amir Turki escompte une plus grande présence et une plus grande agressivité. Il aurait aimé par exemple que la délégation tunisienne à Bativoire soit accompagnée non pas par un secrétaire d’Etat mais par un ministre car «nous avons eu pour interlocuteurs des ministres».
Deux autres maillons essentiels manquent encore, selon notre interlocuteur, et qui entravent la réussite des Tunisiens en Côte d’Ivoire en particulier et en Afrique en général. Le premier c’est la banque. «Les opérateurs tunisiens souffrent de l’Absence d’une banque pour les accompagner en Afrique», se plaint M. Turki. Pour qui le problème doit être «réglé de toute urgence car les Africains ont besoin non seulement d’un concepteur mais également d’un investisseur et d’un bailleur de fonds».
Le deuxième maillon manquant c’est le transport aérien. «Jadis fleuron et motif de fierté des Tunisiens, Tunisair constitue aujourd’hui notre maillon faible et le handicap majeur pour les opérateurs voulant exporter ou s’installer en Afrique», regrette Amir Turki. Les participants à Bativoire l’ont appris à leurs dépens.
Arrivés à minuit à Abidjan, «ils ont poireauté pendant trois heures devant des tapis vides pour apprendre après que les bagages étaient restés à Tunis», s’énerve le patron d’Archibat. Finalement, les bagages ne sont arrivés à Abidjan que la veille de notre retour en Tunisie. «Nous tous, y compris le secrétaire d’Etat, avons de ce fait porté la même chemise et le même costume pendant trois jours. Ce qui veut dire que nous n’étions pas dans les meilleures dispositions pour réussir notre participation au salon. Chose inacceptable quand on sait que chacun d’entre nous a investi près de 15.000 dinars dans cette opération», se désole Amir Turki.