Les producteurs de dattes du sud tunisien sont en colère. Ils viennent de se faire remarquer, ces jours-ci, par des sit-in et manifestations de protestation contre la stagnation de la récolte des dattes et surtout contre le diktat des conditionneurs et exportateurs. Ces derniers manœuvrent en toute impunité pour leur acheter, d’abord, la production à très bas prix, 2 dinars le kilo, et le vendre, ensuite, au prix fort, soit dix dinars le kilo.
Le commerce des dattes est non équitable
L’Etat, impuissant pour ne pas dire complice, depuis des décennies, de ces sangsues, ne fait rien pour réguler le marché et venir en aide à ces producteurs en désarroi et semble même se délecter à se donner en spectacle leur misère.
Il est utile de rappeler que la saison des dattes ne dure que deux à trois mois, et ce depuis l’option durant les années 60 pour le dattier Deglat nour à haute valeur marchande et la déstructuration des cultures oasiennes à trois niveaux (légumes, arbres fruitiers et palmier dattier) lesquelles occupent et emploient les agriculteurs au mois durant 11 mois par an.
En plus clair encore, ces producteurs travaillent toute l’année pour entretenir les palmeraies et les protéger contre toutes sortes de fléaux et maladies, attendent patiemment la saison des dattes pour vendre leur récolte et thésauriser une partie des recettes pour survivre le reste de l’année.
Alertés par les médias, des députés se sont déplacés dans la région de Kébili pour être à l’écoute des préoccupations des producteurs et pour s’informer de visu de la situation.
Les externalités positives échappent aux Oasiens
Les principales revendications des producteurs de dattes sont au nombre de trois. La première consiste à stigmatiser le principe de ce commerce non équitable. Les producteurs n’arrivent pas à admettre que leur production soit chaque fois bradée au niveau des lieux de production et valorisée ailleurs.
Autrement dit, ils estiment que dans le processus de production des dattes, ils ne font que subir les externalités négatives (entretien et protection des palmeraies, pollinisation, pénurie d’eau…) alors que les externalités positives, voire la valeur ajoutée (commercialisation et autres avantages…) leur échappent et profitent à des conditionneurs et exportateurs basés dans des villes du nord (Sfax, Monastir, Tunis…).
Pour un office dédié aux dattes
La deuxième revendication porte sur l’enjeu pour eux de créer un office spécialisé uniquement dans les dattes, à l’instar de l’office de l’huile et de l’office du blé. La création d’une telle structure ne serait que justice et conforme aux objectifs du soulèvement du 14 janvier 2011. Elle aura pour avantage de réguler le marché et de leur acheter la production à des prix acceptables.
La troisième a trait au besoin de créer des centres de conditionnement sur les lieux de production au niveau des oasis et d’ouvrir les marchés de proximité (Libye…) à la production locale. Plus simplement, ils demandent à bénéficier des autorisations légales pour vendre directement leurs produits sur le marché libyen, sans passer par les bureaux d’export. Les producteurs accusent les exportateurs d’exploitation et de gain excessif.
Loin de nous de faire la morale, il faut reconnaître qu’il y là une injustice à réparer au plus vite et agir de telle sorte pour que ces producteurs militants aux confins du Sahara jouissent équitablement de leur production qui rapporte annuellement à l’Etat une moyenne de 500 MDT en devises.