«135.000 recrutements ont eu lieu en Tunisie depuis 2011 dont 88.000 postes au sein des administrations centrales et les autres dans les différents établissements publics». C’est ce qu’a affirmé, récemment sur Cap FM, Hafedh Ateb, spécialiste en analyse numérique, expert en emploi, formation et enseignement et expert auprès de l’Institut des études stratégiques.
Les 88.000 recrutements fatidiques ont eu lieu sous le règne de la Troïka. Ces nominations n’ont pas été révisées par les gouvernements qui leur ont succédé.
L’Administration tunisienne a été minée par ces nominations ou désignations déraisonnables car elles ont concerné des personnes qui ont été écartées de la fonction publique pendant des années ou qui n’y ont jamais travaillé en se basant sur deux critères: l’âge et l’ancienneté du diplôme. Ce qui revient à dire qu’un diplômé en ingénierie en 1985 occuperait le même poste qu’un diplômé des années 2010/11/12 ou 13. Il n’est pas à la page, il pourrait même n’avoir jamais été formé aux nouvelles technologies, industries ou techniques du marketing. Mais la politique a des raisons que la raison ne connaît pas et l’allégeance a supplanté la compétence. Ainsi, les compétences, affirme M. Ateb, ont été écartées ou «congelées» et des inconnus ont pris leurs places ou encore des «retourneurs» de veste, opportunistes habitués à courber l’échine et à s’adapter au contexte suivant leurs intérêts.
Inefficacité absolue…
Tous ces recrutements ne garantissent ni l’efficience de l’administration ni la préservation de ses compétences, dont une partie, écartée, est presque inactive tout en profitant des salaires et indemnités de fonctions. Pire, on ne peut même pas comptabiliser les fonds consacrés à des associations ayant, prétendument, pour mission d’employer des jeunes dont ceux servant au mécanisme 16, assure M. Ateb. «J’ai dénombré un grand nombre de ces associations dispersées sur tout le sol national dont une à Gafsa, religieuse et caritative».
Le mauvais exemple…
Le ministère de l’Emploi n’aurait pas été le meilleur exemple en matière d’usage des deniers publics pendant l’ère de la Troïka. A ce jour aucune enquête ou investigation n’a été ouverte pour évaluer l’impact des fonds alloués aux associations et le nombre d’emplois créés sans parler des travailleurs dans le domaine environnemental opérant dans des entreprises situées dans les villes du bassin minier, à Gabès, Sidi Bouzid et à Sfax. Des travailleurs payés pour un environnement très mal entretenu et qui sont pourtant passés du stade de contractuels à celui de titulaires. Une décision qui a mis fin à une situation de précarité qui les a pendant longtemps fragilisés mais qui appelle aussi en retour qu’ils travaillent réellement et qu’ils ne s’installent pas dans le confort des salaires des smigards en se la coulant douce chez eux.
Les cinq dernières années et surtout celle de la Troïka ont été un séisme pour l’Administration tunisienne qui a perdu définitivement son indépendance, sa neutralité et surtout ses compétences.
Des solutions? Difficile, affirme Hafedh Ateb, car il va falloir des décisions politiques très courageuses pour déminer l’Administration mais surtout pour la doter des compétences nécessaires qui pourraient pallier aux insuffisances des «parachutés déconnectés» et nommés sur la base de l’allégeance à un parti.
Quid de la pression du syndicat?
Il s’est gardé de dire qu’il y en a aussi qui ont été nommés sous la pression des syndicats ce qui est grave car les syndicats sont censés préserver les intérêts de tous les travailleurs sans aucune distinction entre eux, mais là, c’est une autre histoire.
L’Administration souffre d’une autre tare suite aux milliers de nominations qu’elle a subies: celle des surplus des personnels dans certains départements et de l’insuffisance des effectifs dans d’autres: «Je peux vous assurer que personne ne réussira à les faire changer de place, l’indiscipline est devenue de mise».
Il n’y a qu’une réponse à l’indiscipline, c’est l’application de la loi et une volonté politique pour l’appliquer. Il revient au chef du gouvernement et à ses ministres de faire régner l’ordre dans leurs différents départements et surtout d’assainir une administration qui peut être nocive pour le développement socioéconomique du pays. Aucune chance pour une relance des investissements et un rétablissement de la confiance entre les contribuables et leur administration sans que la loi ne reprenne sa place et sa suprématie.