“Malgré les avancées en termes d’accès aux marchés et de garanties accordées aux investisseurs, le projet du nouveau Code de l’investissement risque d’avoir des effets négatifs sur l’investissement en Tunisie, car il prévoit un système d’incitations flou et peu attractif comparé à d’autres pays concurrents (Maroc entre autres) et un mode de gouvernance périlleux qui pourrait causer des lenteurs supplémentaires des procédures”. C’est ce qu’estime Nafâa Naifer, membre de la Commission économique de l’UTICA, dans sa lecture de ce projet présenté samedi 7 novembre à Tunis.
Dans cette lecture qui fait l’unanimité des opérateurs économiques, Naifer souligne que le projet du nouveau Code de l’investissement manque de clarté et de lisibilité au niveau des objectifs de l’investissement. Pour lui, il se limite à l’objectif de l’amélioration de la compétitivité économique, la création de l’emploi et le développement durable, sans accorder d’intérêt à la mobilisation des IDE et à l’impulsion de l’exportation.
Comme preuve de manque de clarté, Naifer cite l’article 20 du nouveau code, lequel stipule “qu’il peut” octroyer des primes et incitations. C’est dire qu’il y a aussi possibilité de “ne pas” octroyer des primes et incitations, a-t-il argumenté.
Aussi, l’article 19 prévoit que le fonds national de l’investissement gère ses ressources financières selon un programme annuel fixé sur la base des priorités du développement et de l’investissement.
En plus, “aucune incitation n’est prévue pour les investissements dans les activités exportatrices, sauf en cas d’implantation dans une zone de développement régional”, fait-il remarquer.
Seul l’article 22 du code est précis…
Il a évoqué également la non-reconduction de la prise en charge par l’Etat des cotisations patronales, au régime de sécurité sociale pour les projets de développement régional et le non-renouvellement, de manière explicite et claire, des mécanismes de financement de la création des projets par le bais du FOPRODI.
Pour Naifer, “la seule disposition précise du code est celle prévue par l’article 22 qui parle du retrait des avantages accordés aux projets.
Au niveau de la gouvernance de l’investissement, le projet du nouveau code d’investissement prévoit la création d’un conseil supérieur de l’investissement chargé de la gestion des programmes de l’Etat, en matière d’investissement et de la mise à jour de la politique de l’Etat engagée en la matière.
D’après lui, ce conseil est une nouvelle idée mais il doit comprendre des représentants du secteur privé (UTICA, UTAP…).
Il est prévu également de mettre en place une instance nationale de l’investissement qui peut être chargée de la collecte des données, mais à la fois joue le rôle d’un interlocuteur unique des investisseurs.
Ceci est “une étape supplémentaire qui complique tout le processus de l’implantation des projets de développement dans le pays”, fait-il valoir, ajoutant qu’il faut redimensionner cette instance pour ne pas se substituer aux structures existantes.
Le nouveau code d’investissement prévoit encore, la mise en place d’un fonds national d’investissement qui va remplacer l’ensemble des fonds spécialisés. Il gère ses ressources financières selon les budgets annuels établis sur la base des priorités nationales d’investissement. D’après Naifer, ce mode de fonctionnement ne tient pas en compte le développement réel de l’investissement dans le pays.
Les autres critiques…
Ce manque de clarté et de lisibilité a été critiqué par les intervenants à ce workshop. Ainsi, le député Mohamed Fadhel Ben Ammar, président du groupe Nidaa Tounes à l’ARP, pense que ce projet trouvera des difficultés au niveau de l’examen et de l’adoption par l’Assemblée des représentants du peuple, puisque la plupart de ces dispositions contiennent des ambiguïtés et écartent en plus des questions fondamentales liées à l’investissement, dont les liens entre l’enseignement, la formation et l’emploi, et les transferts financiers à l’étranger.
“Les investisseurs n’ont pas besoin d’un code pour s’installer en Tunisie”
Saïd Fazzani, expert en développement économique, affirme que les investisseurs étrangers n’ont pas besoin carrément d’un code pour s’installer en Tunisie. De ce fait, ça n’a pas de sens de changer un code par un autre.
Hakim Ben Hammouda, économiste et ancien ministre des Finances, estime, pour sa part, que la situation économique tend aujourd’hui vers la déflation “Baisse des prix et de la croissance”, dont le pays ne peut se sortir que par le biais de l’investissement. Or, le retour au rythme habituel de l’investissement demande un cadre législatif et institutionnel adéquat.
Le pays, poursuit-il, n’a pas besoin, dans ce cas, de mettre en oeuvre un nouveau code d’investissement mais plutôt d’une charte d’investissement simple.
Pour le cadre institutionnel, il est opportun, selon lui, d’installer des guichets uniques pour simplifier les procédures administratives.
Le député du parti de l’Union Patriotique Libre (UPL), Mohsen Hassen, dira, quant à lui, que le projet du nouveau code est “parachuté”, puisqu’il ne prend pas en considération le climat des affaires et la situation économique et sociale actuelle du pays. D’où la nécessité de le réviser au sein de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).