Le dialogue social n’est pas un vain mot. Il doit obéir à deux nécessités: d’une part, la création de règles autonomes à partager entre partenaires sociaux afin de contribuer à l’amélioration de la qualité du climat social, et, d’autre part, une obligation légale, édictée par le législateur et présente dans le code du travail.
Du côté managérial, le dialogue social est reconnu comme facteur de performance de l’organisation; du côté juridique, il constitue un préalable à la mise en place de nouvelles normes conventionnelles consensuelles ou voulues comme telles.
Dans un environnement où l’on a de moins en moins de certitudes, il faut veiller à conserver quelques convictions et à ne pas tricher avec elles…
Ecoute, Equité, Equilibre, Exemplarité, Ethique, Enthousiasme, Ensemble, Education, Endurance et Evaluation, tels représentent au moins les dix plus importants critères constituant en quelque sorte le socle de valeurs à intégrer dans la vie quotidienne de chacun; des responsables, des dirigeants et des syndicalistes en particulier, pour un sauvetage et une réussite collectifs de notre société.
Avec l’instabilité à laquelle nous sommes confrontés de nos jours, notamment professionnellement, le dialogue social est une pratique qui doit se faire garante de la paix sociale ou du moins d’un climat social de bonne qualité. Encore faut-il avoir la conviction que le dialogue soit porteur de solutions et de performance.
La crise de confiance entre le syndicat du patronat (UTICA) et le syndicat des travailleurs (UGTT) ne trouve pas sa source dans la crise, il s’agit d’un mal plus ancien aggravé par la crise. Le retour de la confiance a un caractère d’autant plus impérieux que dans nos sociétés mouvantes, elle est “la force vive“. Il faut donc tout faire pour qu’elle revienne et se développe. De nos jours, le management du “relativement stable“ a cédé la place à celui du “changement continu“ qui risque de mener la Tunisie vers l’inconnu; il est donc plus que jamais essentiel de savoir susciter la confiance, de l’entretenir dans les virages permanents de l’action et surtout de la relancer dans les périodes difficiles et critiques.
La confiance à reconstruire, fût-elle détruite à jamais? La défiance a-t-elle pris le dessus? … Il faut reconstruire la confiance pour sauver et préserver notre pays.
Je crains que la réalité que nous vivons soit cruelle et démontre que la défiance est bien structurelle et non liée à quelques aléas conjoncturels comme une croissance en berne et une panne temporaire d’optimisme. Elle doit être une passerelle qui offre l’opportunité de rendre compte de l’importance de la confiance dans les relations sociales, en dépit de tout conflit, ou de tout rapport de force préalable ou consécutif à ce processus.
Une mise à niveau, une modernisation et une restructuration du dialogue social s’imposent très rapidement pour sauver le pays des risques encourues: faillites des caisses de l’Etat, faillites du secteur privé, détérioration de la productivité, des revendications volatiles de part et d’autres -ouvrières et patronales-, et ce en l’absence totale: d’une synergie, de stratégie de développement commune, de politiques communes d’engagement sur les résultats, de vision et d’objectifs communs avec une projection à moyens et longs termes…
Bref: RESTRUCTURER pour éviter les acharnements, les intimidations, les discours vides et destructifs; METTRE A NIVEAU pour rehausser le niveau des négociations sociales entre les différents intervenants (syndicat du patronat, syndicat des travailleurs et représentants du gouvernement); MODERNISER pour construire une Tunisie moderne où tous ses citoyens bénéficient du même niveau de citoyenneté.
Les conditions préalables de réussite du dialogue social
Dépasser les préjugés; s’exprimer dans un langage commun; se reconnaître sur un pied d’égalité; se donner des objectifs communs; respecter des règles mutuellement acceptées; respecter la parole donnée… tels représentent les minima des règles à respecter pour réussir un dialogue social.
Outre ces règles très précises, d’autres préconisations s’imposent:
• Les entreprises cessent de diaboliser les représentants du personnel. Le travail accompli par le délégué du personnel doit être pris en compte dans les parcours professionnels. Plus généralement, “il faut sortir enfin du management par les chiffres et réintégrer la dimension humaine“.
• Les représentants du personnel doivent aussi cesser de diaboliser les dirigeants de l’entreprise, éviter le discours des sourds et mettre en priorité la pérennité des entreprises.
• Pour le cas spécifique de notre pays: le gouvernement doit engager rapidement et simultanément les programmes de réformes suivants: fiscales, investissement, code de travail; et ce afin d’apaiser la tension qu’exerce la base sur le syndicat des travailleurs qui, à son tour, l’exerce sur le gouvernement à cause de l’injustice sociale qui s’amplifie et qui engage le pays dans une spirale infernale aboutissant à la démolition de l’économie nationale. Il doit aussi respecter les textes de loi régissant la pluralité syndicale.
• Et pour l’avenir: prévoir que la formation académique puisse intégrer les principes des relations sociales. De même, former l’encadrement intermédiaire: les bonnes relations sociales qu’un manager sait créer dans son service doivent être prises en compte lors des évaluations, et ceci ne sera possible qu’en donnant du temps et du pouvoir aux managers intermédiaires.
La défiance n’est pas immuable et la confiance se fabrique
Ceci est au cœur du processus de restauration et de restructuration du dialogue social. Cela ne peut isolément se proclamer mais quelques pistes peuvent être proposées pour y parvenir, et ce de façon durable. Au cœur de ce processus, l’exemplarité des syndicats des travailleurs, des syndicats du patronat, des pouvoirs publics et des dirigeants devrait être restaurée en résolvant la question des conflits d’intérêts. Nous devons situer les solutions au sein même de l’école où nos enfants devraient apprendre à travailler ensemble, à coopérer, où l’on devrait également développer des méthodes horizontales d’apprentissage et des relations sociales horizontales dans les organisations afin de concilier performance économique et performance sociale. Il paraît urgent de vitaliser le dialogue social en faisant jouer un rôle crucial aux corps intermédiaires, notamment les syndicats qui ont un rôle de cohésion sociale et dont les critères de représentativité et le financement devraient être revus pour rétablir la confiance.
Soyons coopératifs et compétitifs
Pour être en mesure de gérer les tensions propres à la relation humaine qui ne fait pas facilement l’économie des jeux de pouvoir et des egos, le manager doit développer une confiance suffisante dans la sagesse de ceux qui l’entourent. Retrouver la confiance, c’est aussi abandonner l’esprit de crainte pour s’appuyer sur la capacité à nous en remettre aux autres. Ces managers sont censés être plus coopératifs, oui, mais également plus collaboratifs.
Evidemment, en matière de dialogue social, il est davantage question de négociation que de management. Néanmoins, cette logique des rapports sociaux s’applique de façon plus large et peut produire des effets plus positifs que le simple rapport de forces avec toutes les tensions que cela suppose.