Invité, vendredi 27 novembre 2015, à participer, sur la chaîne publique El Watania, à l’émission «Wa lakom sadid errai» -émission similaire à celle «A vous de juger» d’Arlette Chabot-, Mustapha Kamel Ennabli, ancien gouverneur de la Banque centrale et ancien ministre du temps de Ben Ali, a fait des révélations fort instructives sur les failles administratives, procédurales et législatives que les financiers du terrorisme exploitent pour transférer les fonds en Tunisie.
La première faille, la plus plausible est celle de la contrebande. Les contrebandiers, de fins connaisseurs des frontières, approvisionnent les terroristes sanctuarisés sur les hauteurs du nord-ouest, du centre-ouest et sud-est les cellules dormantes dans les villes en terroristes, en armes, en fonds et en nourriture.
La deuxième faille se situe au niveau des postes frontaliers terrestres, maritimes et aériens. Des Tunisiens et des étrangers non résidents peuvent, selon lui, en toute légalité et sans aucune limite des montants, ramener des fonds en Tunisie (en valises et autres…) pour peu qu’ils les déclarent à la douane à leur arrivée. L’ennui ici est que les autorités compétentes n’assurent aucun suivi des fonds transférés.
En plus clair encore, rien n’est fait pour contrôler l’affectation des fonds transférés. Pis, le transporteur de fonds qui a déclaré en bonne et due forme ces fonds peut quitter le pays, le lendemain, sans être inquiété par qui que ce soit et sans avoir à rendre compte ce qu’il avait fait des fonds importés.
La troisième faille consiste en le non contrôle de fonds collectés à l’intérieur du pays, Zaket ou autres cotisations occultes fournies par des sympathisants du djihadisme. Ce système des donations et des cotisations avait bien fonctionné, durant la période où les nahdhaouis vivaient dans la clandestinité, depuis les années 80 jusqu’à 2011. Pour mémoire, la collecte de tels fonds est purement et simplement interdite dans un pays comme l’Algérie.
Les associations d’obédience islamiste pointées du doigt
La quatrième faille n’est autre que les associations islamistes d’obédience djihadiste. En vertu de la loi qui régit ces ONG, celles-ci sont habilitées à recevoir des donations de l’extérieur et à rendre publics les montants au-delà de 100.000 dinars et à en informer le gouvernement de l’affectation de montants… Seulement, cette loi n’a jamais été appliquée. Selon les dernières informations, plus de 150 associations se sont avérées impliquées dans le financement du terrorisme.
La cinquième faille réside dans le transfert de fonds étrangers aux associations et à des particuliers extrémistes par le canal des banques de la place parmi lesquelles des banques publiques, des banques privées, des banques off shore et des banques étrangères. Ces dernières sont tenues, en principe, d’informer la Banque centrale de Tunisie chaque fois qu’elles doutent d’une transaction financière et de la destination de fonds.
Une fois informée, la BCT peut alors saisir la justice pour vérifier la traçabilité des fonds transférés. Mais apparemment, ces banques ne l’ont jamais fait. Et il faut les comprendre. En toute logique économique et financière, dans un pays en transition où les législations sont laxistes et à peu près, elles n’ont aucun intérêt à le faire et à se compromettre. La règle étant: en l’absence de contrôle strict, silence radio. Il faut dire ici que le dossier du laxisme des banques vis-à-vis des transferts de fonds aux relents terroristes et de leur implication indirecte ou directe dans le financement du terrorisme en Tunisie reste ouvert.
La volonté politique de lutter contre le terrorisme n’existe pas
Moralité: ces failles illustrent de manière éloquente l’inefficience des procédures, la réversibilité de législations et la porosité des institutions. L’incompétence et le laxisme en matière de lutte contre le terrorisme prévalent, hélas, dans toutes les institutions. La volonté politique de lutte contre ce fléau n’existe pas.
Pour revenir à Mustapha Ennabli et à ses révélations, il a eu beaucoup de mérité de les rendre publiques mais il aurait pu au moins alerter l’opinion publique, lorsqu’il était gouverneur de la Banque centrale durant les années (2011-2013) au cours desquelles tous ces forfaits s’accomplissaient.
Georges Pompidou, ancien président français, disait à ce propos: «Il ne suffit pas d’être grand homme, il faut l’être au bon moment».