Du temps de Hédi Nouira, être destourien n’était pas considéré comme un ticket d’entrée au paradis et ne rimait pas avec haut cadre de l’Etat ou positionnement privilégié au sein de l’appareil administratif. Seul critère: la compétence !
Hamadi Bousbia, qui avait, très jeune, intégré la BCT, gouverné à l’époque par Hédi Nouira, a raconté à un journal de la place, l’homme qu’était le super Premier ministre Nouira: «Il m’avait dit: “dans la banque, il y a deux choses importantes. D’abord, tout s’apprend par le bas. Puis, le zéro a une grande valeur“». Un peu plus loin, il le décrit comme étant “Un Juste“! Le militant se doublait d’un grand homme d’Etat, fervent défenseur de l’équité et des valeurs. Il aurait fait un excellent haut magistrat à la Cour suprême. Ainsi, aucun innocent ne serait indûment condamné. Je me rappelle que lorsqu’on instruisait sur dossier de grosses affaires de contrôle de change, il optait toujours pour le bénéfice du doute, tant qu’il n’y avait pas de preuves irréfutables. Et puis, quelle largesse de vue, quelle culture et quel sens de l’Etat».
Mais plus important que tout, Hédi Nouria savait donner leurs chances aux jeunes, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il savait reconnaître les compétences et les désigner aux postes qu’ils méritent sans regarder aux appartenances politiques des uns et des autres.
Une anecdote pour l’histoireÂ
Pour le défunt Hédi Nouira, les qualifications étaient le facteur déterminent dans le choix des cadres de la BCT. De son temps, une référence à l’échelle africaine. Il a transmis ces valeurs au DG Hamadi Bousbia lequel s’appliquait à imprégner ses troupes de cet esprit. A l’époque, on considérait qu’une compétence n’avait pas besoin de gravir les échelons de la machine administrative monotone, lente et fastidieuse pour occuper un poste de responsabilité. Le choix, pour un poste de responsabilité fut porté sur Férid Ben Tanfous, à l’époque, jeune recrue de la BCT.
L’homme était brillant mais péchait par ses convictions gauchistes. Il était entendu que des investigations devaient être menées auprès de qui de droit pour mériter le poste… Le B2 de Ben Tanfous n’était pas reluisant au regard de la sûreté de l’Etat, le monsieur n’était pas un destourien, pire, il avait des convictions gauchistes. Le rapport l’incriminant fut soumis au DG, et devinez quelle fût la réaction de Hamadi Bousbia: «Férid Ben Tanfous aura ce poste parce que je préfère de loin avoir une compétence de gauche qu’une incompétence de droite. Mieux encore, je préfère l’avoir à mes côtés que contre moi».
Nous sommes aujourd’hui loin de cette logique qui plaçait les compétences au-dessus des considérations partisanes, idéologiques ou personnelles. C’est ainsi que raisonnaient les constructeurs de la Tunisie moderne, contrairement à ceux qui, aujourd’hui, s’acharnent à détruire tous les symboles de la réussite, à les diffamer et à ternir leur image.
Férid Ben Tanfous a, depuis la BCT, fait du chemin, il n’est plus le gauchiste pur et dur. Il a imposé sur la place de Tunis l’ATB comme une des références des banques privées et surtout il figure parmi les mieux payés dans le secteur bancaire. L’ATB a été la première banque à lancer une carte réservée aux femmes, en l’occurrence “la carte Lella“ et à fournir aux jeunes âgés de 13 à 25 ans une carte bancaire spécifique, outre nombre d’autres produits et un intérêt prononcé pour les nouvelles technologies de l’information.
Eric Zemmour, journaliste et écrivain français, a repris une ancienne citation de Guizot qui signifiait que «N’être pas républicain à vingt ans est preuve d’un manque de cÅ“ur, l’être après trente ans est preuve d’un manque de tête». Il l’a reconverti en: «Ne pas être de gauche à vingt ans, c’est manquer de cÅ“ur, mais être de gauche à quarante, c’est manquer de tête».
Il est malheureux de réaliser qu’une partie de la classe politique tunisienne aujourd’hui ainsi qu’un potentat syndicaliste soutiennent la logique de la distribution de la misère et de la pauvreté plutôt que d’autres logiques: celles du travail, de la création des richesses, de la valorisation success stories, de l’espoir de réaliser ses rêves et de réussir sans pour autant être des voleurs ou des affairistes! Ils en sont presque à l’exigence d’une nouvelle forme de collectivisme!
Férid Ben Tanfous a été un homme de gauche, il est aujourd’hui l’un des banquiers les mieux nantis de la Tunisie. Manque-t-il de cœur pour autant?