«Rien ne pourrait égaler notre fierté d’être aujourd’hui à Oslo pour célébrer l’obtention de la Tunisie du prix Nobel de la paix. Nous fêtons la consécration du militantisme du peuple tunisien, son amour de la paix, sa tolérance et son choix résolu pour l’approche consensuelle dans la résolution de tous les litiges. Nous sommes ici tous ensemble, travailleurs, opérateurs privés, avocats et représentants de la société civile pour montrer au monde que la Tunisie est un pays exceptionnel et que nous veillerons à sa sérénité et à son unité». La déclaration est de Bouali Mbarki, secrétaire général adjoint de l’UGTT de là où il se trouve dans la capitale norvégienne.
Bouali Mbarki s’est montré rassurant quant à l’issue des négociations sociales. «Lorsque nous regardons autour de nous et nous voyons comment est régi ce pays et comment sont gérées les relations entre les responsables et le peuple, lorsque nous voyons l’amour que porte tous les ressortissants de ce pays envers leur mère patrie rien qu’en préservant l’environnement et en économisant de l’énergie, nous nous devons de tirer les leçons qui s’imposent et d’en prendre exemple pour notre chère Tunisie. Oui je suis optimiste pour ce qui est de l’issue des négociations avec l’UTICA, nous sommes condamnés à nous entendre».
Prions pour que réellement le vent de paix du Nobel norvégien souffle sur la Tunisie et sonne le glas de la grande querelle UTICA/UGTT qui n’a que trop duré et qui pèse de tout son poids sur le climat socioéconomique du pays.
Pendant leur séjour en Norvège qui devrait prendre fin aujourd’hui, vendredi 11 décembre, le quartette a été l’objet de toutes les attentions des autorités norvégiennes. La Tunisie sur lequel les Européens et principalement du ceux du Nord portent un regard assez romantique. Normal lorsque dans d’autres pays arabes, le monde assiste à des génocides des populations civiles en Syrie, au Yémen et en Palestine et qu’en Tunisie l’islam politique nous épargne relativement dans ses expressions violentes et terroristes. Le consensus : quel mot magique ! Soit un deal à l’américaine ou encore une expression populaire terre à terre « la tadhini, la nadhik» (Epargne-moi et je t’épargne).
Reste que la triste réalité tunisienne perçue de manière réaliste ou même cynique de nous autres hommes et femmes des médias ou encore par une partie de notre intelligentsia ne diminue en rien de l’importance du prix décerné à la Tunisie. Un Nobel qui la repositionne sur orbite à l’échelle planétaire et qui a fait l’espace de 2 heures l’évènement majeur couvert par tous les médias du monde! «Le prix Nobel de la paix doit se comprendre comme un encouragement au peuple tunisien qui, malgré des obstacles majeurs, a posé les jalons d’une fraternité nationale dont le comité espère qu’elle servira d’exemple à suivre pour d’autres pays…Nous vivons une époque de turbulences. En Afrique du Nord, au Moyen-Orient et en Europe, des millions de personnes fuient la guerre, l’oppression, la souffrance et la terreur», a déclaré Kaci Kullmann Five, présidente du Comité du Prix Nobel dans son discours présentant l’expérience tunisienne.
Le quartette a été reçu par Erna Solberg, Premier ministre de la Norvège, le président du Parlement ainsi que son vice-président. Il a également eu des entretiens avec les comités chargés des affaires étrangères et de la défense au Parlement norvégien ainsi que par le ministre des Affaires étrangères et des personnalités d’organisations équivalentes aux leurs sur place.
Le discours du quartette à Oslo pourrait-il être concrétisé à Tunis?
Quels beaux discours que ceux prononcés par le quartette à Oslo lors de la cérémonie précédant la réception du prix Nobel ! Les protagonistes avaient accordé leurs violons pour mettre en avant leur rôle dans le «sauvetage» de la Tunisie. Nous aurions aimé qu’ils fassent un clin d’œil au Grand Habib Bourguiba, fondateur de la Tunisie moderne qui a justement instauré la culture du dialogue et du consensus en Tunisie. Mais ne sommes-nous pas les spécialistes du gommage de l’histoire? Chez nous, quand le roi meurt, il emporte avec lui toute l’histoire du pays, et celui qui lui succède s’approprie une nouvelle fiction dont il devient le héros! C’est culturel!
Hassine Abassi a déclaré, à l’occasion, que tous les acteurs politiques en Tunisie ont choisi une approche consensuelle dans la résolution de leurs divergences et auraient, selon lui, décidé de mettre les intérêts du pays au-dessus des intérêts partisans. Il a omis de préciser que les déclencheurs du mouvement contestataire qui a enclenché le processus de la chute de la Troïka étaient des députés, dont ceux d’Al Massar, qui ont décidé de bouder la Constituante et de mettre fin à un règne qui anéantissait le pays. Ils ont été suivis par des centaines de milliers de Tunisiens qui les ont soutenus car croyant en leur cause. La cause d’une grande partie du peuple.
Il a rendu hommage aux femmes et aux jeunes qui se sont soulevés contre la discrimination et l’exclusion pour défendre leurs droits civiques et leur droit à la liberté, à la dignité et à une vie décente.
Wided Bouchamaoui a, pour sa part, insisté sur l’importance de la stabilité économique du pays afin d’assurer sa relance et la nécessité d’engager les réformes nécessaires pour améliorer le climat d’affaires et rassurer les investisseurs nationaux et internationaux.
Elle a relevé que l’amélioration significative des aspects sécuritaires devrait encourager les partenaires et les amis de la Tunisie à s’y rendre. Elle a rejoint la présidente du Comité du prix Nobel en insistant sur le fait que la lutte contre le terrorisme doit être globale et que tous les pays du monde doivent y être associés.
Le plus important pour la présidente de l’UTICA ainsi que pour le secrétaire général de l’UGTT reste toutefois leur volonté et leur capacité d’aplatir les obstacles qui bloquent la conclusion d’un accord pour assurer une trêve sociale d’au moins deux années en Tunisie. Car la meilleure lutte contre le terrorisme c’est une stabilité sociale et une économie performante, sinon nous offrons au terrorisme et à ses acteurs l’occasion de continuer leur œuvre de destruction de l’Etat, des institutions et du tissu économique. Sinon quand l’ivresse et l’euphorie du prix Nobel s’évaporeront, que restera-t-il de l’image “solidaire et consensuelle” d’Oslo?