Manœuvrer pour une amnistie fiscale revient à aller vers une loi sur la réconciliation à minima. Ce serait du gagne petit. Quel gâchis!
Mohamed Fadhel Ben Omrane, chef de groupe Nidaa à l’ARP, intervenant lors de l’audition de Slim Chaker par la Commission des finances à propos de la LF 2016, a proposé au ministre d’envisager, pour 2016 une amnistie fiscale générale. La finalité est que l’Etat, en ce moment de disette financière, renfloue ses caisses et allège la pression sur les contribuables.
Mohamed Ben Salem, député nahdhaoui, a rallié l’idée. Et Ahmed Seddik, député du Front populaire (opposition) a sorti le carton rouge, rappelant que c’est un remake de la loi de BCE sur la réconciliation. Le ministre des finances, au vu des retombées importantes de l’amnistie, a pris l’engagement de soumettre la proposition au Chef du gouvernement.
Une proposition, pour saboter le projet de loi du Président?
Il faut rappeler que MF Ben Omrane a assorti sa proposition d’amnistie d’une condition suspensive. Tout contrevenant paiera la moitié de sa dette et sera tenu d’investir l’autre moitié. Cela renflouerait les caisses de l’Etat et alimenterait l’investissement. N’est-ce pas une fausse bonne idée? D’abord, comme le rappelle le député de l’opposition Ahmed Seddik, pourquoi transiger avant de connaître les dettes en jeu. Et puis, la seule amnistie fiscale, fût-elle générale, vient sabrer le projet de loi présidentiel sur la réconciliation.
Cette dernière comprend, en plus, une amnistie de change. Et, c’est là que les perspectives de gains pour l’Etat peuvent être alléchantes. Le Maroc, en engageant pareille mesure, avait tablé sur le retour d’un milliard d’euros. Il en aurait récolté 2,5.
Un package global d’amnistie vaut la chandelle mais une amnistie fiscale isolée, qui peut-elle intéresser? On ne comprend pas l’intérêt d’une telle initiative de la part du bloc Nidaa. Manquerait-on de discipline à l’Assemblée? Allez savoir !
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Nidaa voudrait blanchir les copains et les coquins, lui reprochait-on. Quid d’Ennahdha?
Qu’est-ce qui a poussé Nidaa à manœuvrer dans cette direction? On sait pourtant que le projet de loi de réconciliation a coûté une volée de bois vert à son initiateur. On lui aurait reproché de blanchir les copains et les coquins du monde des affaires et de la haute administration. On lui prêterait l’intention de chercher un bénéfice électoral, en retour. Le président de la République a arrondi les angles. L’opinion a fini par admettre que cette loi, si elle était adoptée, aiderait au retour de la confiance. Elle serait d’une certaine façon une manière élégante de tourner la page de l’effervescence révolutionnaire et du retour aux choses sérieuses, c’est-à-dire le développement économique. Et, l’IVD elle-même semble avoir calmé le jeu, depuis. Point de détail, gênant.
La proposition d’amnistie exonère les contrevenants de déclarer l’origine des fonds. Quand Mohamed Ben Salem, député d’Ennahdha rallie l’idée de MF Ben Omrane, l’opinion pourrait se demander qui il voudrait blanchir, lui aussi, à son tour? Et, quelle serait sa motivation finale? Schoking, bad question!
Déjà que l’emprunt de Hakim Ben Hammouda avait fait jaser. Emis initialement avec un objectif de collecte de 500 millions de dinars, il a été doublé en cours de souscription. Et, les mauvaises langues ont laissé sous-entendre que c’était une passerelle qu’on tend à un éventuel blanchiment de l’argent noir, disait-on, c’est-à-dire l’argent pas très propre. Amnistier l’argent de la contrebande serait un deal, d’un genre particulier. Les caïds auraient un pied dans l’informel et un autre dans le secteur organisé. Oh!, la chienlit, comme dirait le Général.
MF Ben Omrane aurait lâché un mauvais lièvre, qui plus est à un mauvais moment où Nidaa et la Tunisie ne sont pas au meilleur de leur forme. Est-ce qu’une nouvelle bourrasque polémique pourrait se déclencher?
Wait and see.