Des propositions pour la révision de la législation réglementant les soldes seront présentées au début de 2016 aux autorités, et ce au vu des problématiques soulevées tant par les commerçants que par les consommateurs, ces derniers qualifiant les rabais d'”inutiles”, eu égard à la qualité et aux prix des articles proposés.
Les responsables de l’Organisation de défense du consommateur (ODC) et de la Chambre syndicale nationale des chaînes de magasins d’habillement proposeront ainsi au ministère du Commerce les amendements à apporter à la loi n° 40 de juin 1998 régissant les soldes. Ces changements à introduire portent essentiellement sur le renforcement du contrôle et la fixation des dates des périodes des soldes.
Nécessité de réviser la loi sur les soldes (ODC)
Les doutes soulevés par les consommateurs concernant les soldes et les infractions relevées à chaque saison de remises font de la révision de la loi n°40 de juin 1998 les régissant un impératif, a affirmé Slim Saâdallah, président de l’ODC.
Introduite en Tunisie depuis 1999, les soldes saisonniers n’ont cessé de partager les consommateurs entre satisfaits et insatisfaits de ces périodes de rabais, outre la multitude des infractions relevées. Des données du ministère du Commerce ont, à ce titre, révélé que 239 infractions ont été relevées par les équipes du contrôle économique à la fin de la saison estivale des soldes de l’année 2015.
L’ODC a donc appelé au renforcement des sanctions à l’encontre des contrevenants, lesquelles sanctions se limitent pour le moment à des amendes financières, a indiqué Saâdallah.
En ce qui concerne les problèmes de qualité des articles proposés pendant ladite saison, le président de l’ODC estime qu’il revient au consommateur de distinguer entre un article de bonne qualité et un autre qui ne l’est pas. “La rationalisation du comportement du consommateur est, à ce titre, l’un des rôles primordiaux de l’ODC”, a-t-il rappelé.
Une économie ouverte suppose des soldes
“Les soldes périodiques sont une nécessité, étant donné que la Tunisie est passée, depuis l’année 1995, d’une économie fermée à une économie ouverte après la conclusion de l’accord de libre-échange avec l’UE», a fait remarquer Mehdi Abdelmoula, président de la Chambre syndicale nationale des chaînes de magasins d’habillement.
D’après lui, il est impossible de travailler dans une économie ouverte sans faire de soldes, appelant à la modernisation de l’activité économique, en s’inspirant des expériences des autres pays ayant une plus grande maturité économique et commerciale dans ce domaine. Et d’ajouter que la saison des soldes est désormais devenue une tradition pour le Tunisien, tant pour le commerçant qui va pouvoir écouler ses marchandises stockées et exposer la nouvelle collection que pour le consommateur qui profitera des prix réduits.
Qu’en pensent les consommateurs?
Rencontrés dans l’un des centres commerciaux de Tunis dont les différentes galeries sont touchées par le marasme économique qui frappe de plein fouet la Tunisie, depuis 5 ans, des acheteurs se comptant sur les doigts de la main font leurs emplettes déambulant au milieu de vitrines tristes et manquant d’animation.
Interrogés sur les soldes en Tunisie, certains d’entre eux ont souligné, à TAP, la vanité de ces réductions périodiques qui ne constituent pas, d’après eux, une opportunité et ce tant pour les consommateurs qui déplorent la mauvaise qualité des articles vendus au cours de cette période, que pour les vendeurs qui voient leurs stocks s’accumuler en raison de la crise qui pèse lourd sur le pouvoir d’achat du consommateur.
Salma, aux vingt printemps, se dit insatisfaite des soldes en Tunisie, affirmant que “pendant cette période, les articles camelotes dominent sur le marché”. «Les soldes en Tunisie sont incomparables avec ceux organisés à l’étranger, tant aux plans qualité que prix», a-t-elle regretté. Et d’ajouter: “à l’étranger, les soldes sont des vrais soldes? un article qui vaut 80 euros, je l’achète à 10 euros en période de remises”.
Nadia, jeune fille tunisienne de 25 ans qui réside en Italie depuis 2 ans, critique le comportement des commerçants tunisiens pendant les soldes. “Chaque saison de soldes, je fais un tour dans les boutiques et je constate que le prix des articles soldés reste le même que celui fixé avant les soldes. C’est pourquoi je préfère attendre la période des soldes en Italie qui dure environ deux mois pour faire de bonnes affaires”, précise-t-elle.
Pour Ali, un commerçant âgé de 50 ans, les prix au cours de la période des soldes sont fictifs, soulignant l’importance d’intensifier le contrôle. Il a également critiqué le comportement des commerçants qui exposent pendant les soldes des articles soldés aux côtés d’autres qui ne le sont pas, provoquant la déception des acheteurs.
Hanane, une jeune femme de 35 ans, affirme, au contraire, tirer profit de la saison des soldes, disant qu’elle a confiance en certaines marques de prêt-à-porter dont les articles sont de bonne qualité même pendant les soldes. Elle consacre ainsi un budget oscillant entre 400 et 500 dinars afin de faire des achats pour elle et ses deux enfants.
Mourad (45 ans), s’est pour sa part écrié: “On copie l’Europe alors qu’on est différents aux plans social et économique”. Propriétaire d’une boutique de prêt-à-porter, il déclare que “c’est une erreur d’introduire les soldes dans nos habitudes, cela ne constitue pas une faveur pour le commerçant dont les marchandises s’accumulent au courant de l’année vu la faiblesse du pouvoir d’achat du consommateur, l’acculant ainsi à les écouler pendant les périodes de soldes, dans l’espoir de voir affluer les acheteurs”.
Mourad qui rangeait les chaussures de la nouvelle collection sur les étagères de sa boutique a exprimé son inquiétude d’une telle situation. “Nous ne cherchons pas à réaliser des gains mais plutôt à récupérer notre capital décaissé pour pouvoir payer les fournisseurs”, se lamente le jeune homme.