Le ministère de l’Intérieur est, avec celui de la Défense nationale, le seul département dont le budget a été voté à l’unanimité, c’est-à-dire sans la moindre abstention ou vote contre. Ce vote, qui se voulait un message aux terroristes, ne veut pas dire que les députés de l’Assemblée des représentants du peuple ne trouvent rien à redire sur la situation de ces deux ministères et en particulier de l’Intérieur et des Collectivités locales.
Lors de la discussion du budget de ce ministère, un député, Imed Khemiri, du Mouvement Ennahdha, a mis sur la table et posé au ministre de l’Intérieur, Najem Gharsalli, une question importante, en l’occurrence celle de la mise en œuvre du contrôle parlementaire des institutions sécuritaires «qui sont connues pour être fermées sur elles-mêmes et doivent s’ouvrir aux commissions (de l’ARP) chargées de ce dossier».
Bizarrement, cette question ayant trait au contrôle démocratique du ministère de l’Intérieur –et de celui de la Défense nationale également- est l’une des rares auxquelles M. Gharsalli n’a pas voulu répondre ou eu le temps de le faire.
Pourtant, il s’agit là d’un axe essentiel de la réforme de l’appareil sécuritaire que la Tunisie essaie de mettre en œuvre depuis 2011 en collaboration avec le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et le Centre de Genève pour le contrôle démocratique des forces armées (DCAF) qui, pour cela, a ouvert une antenne en Tunisie après le 14 janvier 2011.
Et ce n’est certainement pas un hasard si ces deux organismes multilatéraux ont fait de l’instauration du contrôle démocratique des forces armées en Tunisie le principal axe de leur programme en 2015 afin de préparer l’environnement propice à ce changement radical dans les relations des deux parmi les ministères les plus importants avec les autres institutions de l’Etat en général et la société tunisienne.
L’un des principaux défis et obstacles à l’exercice du contrôle démocratique par les parlementaires étant l’ignorance par ces derniers des spécificités des secteurs de la défense et de l’intérieur et des exigences du rôle qu’ils veulent jouer, DCAF a organisé durant l’année en cours plusieurs ateliers et tables rondes pour combler ce vide.
De mars à septembre, quatre manifestations ont été organisées à cet effet. La dernière en date est une réunion consultative ayant, à l’initiative du DCAF et du PNUD, regroupé des membres de la Commission sur l’organisation de l’administration et des forces portant armes de l’ARP –dont la collaboration avec le DCAF a débuté en 2015- pour travailler à l’élaboration d’un plan d’action stratégique permettant «aux commissions parlementaires de structurer leur action autour de plusieurs objectifs de court, moyen et long terme et ainsi de s’acquitter de leur mandat avec plus d’efficacité».
Début juin 2015, ce fut au tour de la Commission de la sécurité et défense de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) et du DCAF de discute «des stratégies d’un développement efficace du contrôle du secteur de la sécurité». A cette occasion, cette commission a sollicité «un appui supplémentaire du DCAF pour développer des plans de travail et des stratégies efficaces».
De même, en mai dernier le DCAF a suscité, dans le cadre d’une table ronde, un débat sur «la constitution tunisienne et la gouvernance du secteur de la sécurité» afin d’«analyser le cadre légal mis en place par la nouvelle constitution en matière de gouvernance du secteur de la sécurité» et d’«évaluer les opportunités et les défis liés à la mise en œuvre de la Constitution dans ce domaine sensible».
Enfin, en mars 2015, c’est le premier jalon de cette coopération entre la Commission de l’organisation de l’administration des affaires des forces armées de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) et le DCAF a été posé dans le but «de renforcer la capacité de la Commission à remplir ses missions de législation et de contrôle du secteur de la sécurité » par un programme d’appui en deux volets: «un accompagnement pratique en planification stratégique et en développement institutionnel, et un appui conceptuel pour l’étude de thématiques spécifiques».
Last but not least, DCAF a mené, en partenariat avec le Comité permanent de Belgique pour le contrôle des services de renseignement et de sécurité (Comité R), en direction des ministères concernés par cette réforme –Défense, Intérieur et Justice- pour les sensibiliser à ses exigences en participant à une conférence sur le contrôle démocratique des services de renseignement à l’Institut de la Défense nationale dans le cadre d’un cycle destiné à formuler des recommandations visant à améliorer l’efficacité et la redevabilité des services de renseignement. Peut-être faudrait-il en faire davantage dans ce domaine.