Propriété de la Société Nouvelle des Villages de Vacances (SNVV), l’hôtel Dar Naouar, situé dans la zone touristique de Gammarth, a été récemment cédé à un investisseur qatari. L’annonce de cette opération, pilotée par la Banque d’Affaires de Tunisie (BAT), dirigée par Habib Karaouali, a suscité commentaires désobligeants, rumeurs et insinuations, notamment dans certains médias tunisiens, pour mettre en doute le bien-fondé et les conditions –notamment le prix et la transparence- de cette cession.
Ce tir de barrage a commencé à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), à l’initiative de Karim Helali. Lors d’une réunion de la Commission des finances de l’ARP, consacrée à la discussion du projet de loi de finances pour 2016, ce député d’Afek Tounes est monté sur ses grands chevaux pour reprocher cette opération à… l’Etat et s’étonner du prix de la cession -120 dinars le m2, selon lui.
Le ministre des Finances, Slim Chaker, lui a répondu que «l’Etat n’est pas concerné par cette opération puisqu’il n’est pas actionnaire de la société cédante». En effet, explique-t-on à la BAT, «la cession de la SNVV n’est pas assimilable à une cession d’entreprise publique voire d’entreprise à participation publique, et ce conformément aux dispositions de la loi 89-09 du 1er février 1989, et n’est pas soumise à autorisation de la Commission d’Assainissement et de Restructuration des Entreprises à Participations Publiques (CAREPP)». Et «l’Etat n’a rien à avoir là-dedans directement sinon à travers ses représentants à la BTE qui ont donné leur accord comme ceux de la BTK, de la STB et de la BIAT. Ce sont des actionnaires très au fait de leurs intérêts qui ont pris leur décision de manière objective et en fonction de leurs intérêts et n’ont à ce jour manifesté aucune objection au processus engagé», souligne-t-on à la BAT.
Concernant le bien-fondé de l’opération, la même source rappelle les raisons –deux au moins- ayant poussé à la cession de l’hôtel: l’impossibilité, en raison de la situation du secteur après les attentats que la Tunisie a connus cette année, de renouveler le contrat de bail de l’unité hôtelière qui arrivait à échéance le 31 décembre 2015, et le fait que les actionnaires n’étaient pas disposés –«pour des raisons de surexposition au risque dans le secteur touristique de financer des travaux d’entretien et de sauvegarde dont la facture a été estimée à au moins 6 millions de dinars.
Enfin, troisième facteur ayant dicté la cession, la situation de la SNVV. La société affiche au 31 décembre 2014 des pertes cumulées de 12,5 millions de dinars dépassant la totalité de son capital social à savoir 8,6 millions de dinars «ce qui aurait dû la conduire à la cessation de son activité comme le stipule le code des sociétés commerciales. Certes, une réévaluation a été effectuée pour pallier à l’irrégularité administrative mais sans effet sur sa réelle capacité bénéficiaire qui demeure négative et déficitaire». Donc, «la société allait vers la liquidation si des solutions n’étaient pas trouvées».
L’opération de cession a-t-elle été transparente? Oui, assure-t-on à la BAT. Les actionnaires ont choisi comme mode de cession l’«appel d’offres international, normé et transparent pour s’assurer de toutes les conditions de réussite». Deux appels d’offres ont été nécessaires pour arriver à céder l’hôtel.
Le premier a été lancé fin 2013 et a été déclaré infructueux parce qu’il n’a abouti qu’à une seule offre et le prix proposé (16 millions de dinars) a été jugé trop bas.
Le deuxième appel d’offres international a été lancé en mai 2015. Il a suscité la manifestation d’intérêt de 13 candidats qui ont retiré le dossier d’appel d’offres, dont deux seulement ont soumis des offres. La meilleure a été faite par la société Mejda Tunisie, en l’occurrence de 18,215 millions de dinars –soit un prix de cession de plus de 120 dinars le m2, là où «les prix appliqués par l’AFT varient entre 50 et 100 dinars», souligne la BAT. L’offre a été acceptée par les actionnaires de la SNVV.
Cette opération présente de ce fait pour les actionnaires l’avantage de leur avoir permis de récupérer les fonds injectés sous forme de fonds propres (8,6 millions de dinars) et la totalité des engagements impayés en dettes bancaires (9,615 millions de dinars).
Pourquoi alors toute cette campagne pour dénigrer l’opération? Après vérifications, on assure à la BAT qu’elle est imputable à de «pseudos investisseurs tunisiens qui n’apprécient pas les démarches transparentes et normées et où ils ne peuvent se retrouver» et qui se sont présentés après que l’offre du mieux disant a été acceptée.
«Pourquoi ne se sont-ils pas donné la peine de retirer le DAO et de participer en mettant le prix qu’ils disent être prêts à donner? Est-ce que la remise d’une intention d’achat hors délai et hors format constitue une offre? Evidemment non. Quel que soit le montant proposé, si tant est qu’il puisse être sérieux, l’accepter hors marché eut constitué une faute professionnelle grave passible de poursuites par les autres candidats qui ont respecté les règles et les procédures. Doit-on pénaliser les comportements vertueux?», se demande-t-on à la BAT. Où l’on affirme haut et fort qu’«une règle ne vaut que si elle est appliquée et respectée par tout le monde». La banque conseille estime qu’il aurait été plus judicieux pour ces gens-là «de participer dans les règles à la compétition et de jouer toutes leurs chances au lieu d’essayer d’introduire un doute sur la validité du processus».
Moralité de l’histoire: «au-delà de cette opération, somme toute mineure, c’est du respect des procédures et des règles qu’il s’agit. La Tunisie perdrait toute crédibilité à l’international si les résultats d’un processus d’appel à la concurrence réalisé dans la transparence la plus totale et en tout professionnalisme venait à être remis en question par des considérations extra techniques aux objectifs douteux et intéressés», plaide la BAT.