En 2016, la Tunisie doit affronter les risques d’un effondrement de son économie, la menace terroriste et l’incurie de sa classe politique.
Quand le feu prend dans la maison, la première urgence, c’est de l’éteindre. Viendra ensuite le temps de chercher à situer les responsabilités. Ce principe vaut pour la Tunisie aujourd’hui. Le pays fait face, tout seul, à des menaces imminentes et dangereuses pour sa stabilité et son existence.
Effondrement du tourisme
Il y a d’abord, parmi elles, les risques d’effondrement économique qui se traduisent, notamment, par la pire crise du secteur du tourisme, un des principaux contributeurs à la richesse nationale. Jugez-en par ces chiffres qui donnent froid au dos: 270 unités hôtelières ont fermé ces dernières années, soit 48% des 573 unités hôtelières classées. Au moins 71 hôtels ont mis la clé sous le paillasson en raison de la chute de leurs activités après les attentats terroristes de mars 2015 contre le musée du Bardo à Tunis, de juin dernier contre un hôtel de Sousse et l’attentat-suicide de novembre 2015 contre un bus de la garde présidentielle.
Et ce n’est pas tout: la Tunisie a dégringolé de la 40ème place en 2011 à la 92ème en 2015-2016 au classement du World Economic Forum de Davos. Selon la Banque mondiale la Tunisie occupe désormais la 103ème place en matière de création d’entreprise, distancée de très loin par le Maroc qui pointe au 43ème rang.
Le pire est à venir
Rien, absolument rien n’indique que la situation va s’améliorer dans les prochains jours. Car, le plongeon de l’économie tunisienne est intimement lié à la conjoncture sécuritaire marquée par la menace terroriste. Or, celle-ci n’est pas près de faiblir. Environ 600 djihadistes tunisiens sont rentrés au pays ces derniers mois après avoir combattu dans les groupes terroristes en Syrie et en Libye. La plupart d’entre eux ont disparu dans la nature.
Près de 1600 autres ressortissants tunisiens se trouvent encore dans les rangs des groupes armés affiliés à l’Etat islamique ou à Al Qaïda. Il s’y ajoute la présence en Libye, voisine de la Tunisie, des milliers de combattants de Daesh qui contrôlent la région de Syrte et qui peuvent donc, à tout moment, porter le djihad en terre tunisienne. Selon de nombreux analystes, s’ils étaient totalement défaits en Irak et en Syrie, les djihadistes de Daesh chercheront à se renforcer en Libye, aux voisinages immédiats de la Tunisie.
Et pourtant, comme si tout allait bien dans les meilleurs des mondes, le pouvoir tunisien est accaparé par la querelle interne au parti majoritaire Nidaa Tounès, déchiré entre la ligne de Moshen Marzouk, secrétaire général démissionnaire, et celle de Hadeth Caïd Essebsi, fils du président tunisien Beji Caïd Essebsi.
Au-delà de son caractère partisan et interne, la crise au sein du parti majoritaire pourrait entraîner une recomposition politique suivie d’un renversement du rapport de forces au sein de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). En effet, près de 31 députés favorables à Marzouk ont menacé de démissionner de Nidaa Tounès et de créer un groupe parlementaire. Dans ce cas, le parti islamiste Ennahdha deviendrait la première force à l’ARP. Il y a donc bien une incertitude politique qui pourrait venir se greffer à la menace terroriste et aux risques d’effondrement économique.
Devoir de solidarité
Même si elle est grave et même désespérante, la situation n’est pas irréversible. On peut sauver la Tunisie, il faut sauver la Tunisie. Et il existe de nombreux leviers qu’on peut actionner pour y arriver. En commençant d’abord par le génie des Tunisiens eux-mêmes. Ils ont, souvenons-nous, su préserver la transition alors qu’on la croyait définitivement perdu après les assassinats politiques de Chokri Belaïd en février 2013 et Mohamed Brahmi en septembre 2013. C’est d’ailleurs pour saluer ce génie que le prix Nobel de la paix 2015 a été attribué au Quartet (UGTT, UTICA, Ordre des avocats et LTDH).
Nous devons sauver également la Tunisie en reprenant massivement les avions vers ce pays, sachant bien que la menace terroriste existe et qu’elle est réelle. On a tous entendu dire qu’il faut sortir le soir, aller aux spectacles, ne rien changer à nos habitudes après les attentats meurtriers du 13 novembre 2015 à Paris. Ce principe vaut aussi pour Tunis, pour Sousse et Hammamet. Nous devons, par solidarité avec la Tunisie, reprendre les avions vers ce pays.
Parallèlement, il faut que les partenaires de la Tunisie l’aident de façon plus significative à relever le défi de la menace terroriste. En attendant, des Tunisiens se battent héroïquement contre le terrorisme dans le Mont Chaambi, dans les grandes villes, dans les cités balnéaires et sur sa frontière avec la Libye. Le «grand-frère algérien» et l’OTAN peuvent et doivent faire mieux dans leur contribution dans la lutte contre le terrorisme en Tunisie. Il faut sauver le symbole Tunisie !
Source : mondafrique.com