Une explosion sociale récupérée en vue d’une insurrection populaire? Quelle main invisible derrière cette manipulation? Le monde du terrorisme et de la contrebande serait-il passé à la contrattaque?.
Le pays a connu un scénario frisson. La mort du jeune Ridha Yahyaoui a servi d’étincelle à un sentiment de mécontentement, que l’on pressentait. La chose était dans l’air. Très vite l’ambiance s’est électrisée. Il y a bien eu durant les premières heures une déflagration sociale spontanée et compréhensible. Le désespoir de la Tunisie d’en bas est remonté à la surface. Mais ce mouvement fortuit a pris une physionomie de contestation politique. Qui l’a aiguillé sur le terrain de la confrontation ouverte avec le gouvernement?
Un complot de rue
L’appel de détresse s’est vite converti en un mouvement de contestation politique. C’est bien la preuve qu’il y a eu récupération. Jusque-là, la menace de grève générale était l’arme suprême de l’expression de la colère sociale. Mais quand on voit les régions s’embraser les unes après les autres pour s’étendre jusqu’à la capitale, c’est la confrontation ouverte avec l’Etat qui est recherchée. C’est un planning pour une crise du système qui est mis en œuvre.
Les initiateurs du mouvement de revendication pour l’emploi demandaient une prise en charge sociale. Ils sont descendus dans la rue pour le crier tout haut à l’adresse du gouvernement. Ils en attendaient un effet en retour. L’Etat a eu un certain répondant. C’était insuffisant, certes. C’était fait dans la précipitation. Mais, c’était bon à prendre. D’autres contestataires se sont mis sur la ligne et ont tout refusé en bloc. Il était clair que les uns et les autres n’étaient pas animés du même objectif. Les chômeurs voulaient du travail. Les infiltrés ont cherché à engager un bras de fer avec le gouvernement en vue d’affaiblir l’Etat.
Dans leur aveuglement, ils ont usé d’une ficelle, trop grosse. Lancer la rue, telle une voiture bélier, contre le char de l’Etat a vite tourné court. Le bon peuple a vite compris que l’acharnement contre les symboles de l’Etat flairait le complot politique de rue.
Cinq ans sans rien voir venir!
Faire endosser le passif des cinq années de crise économique qui ont suivi le 14 janvier au gouvernement de Habib Essid est un acte de malveillance. On ne peut, raisonnablement, lui demander des comptes que pour le temps qu’il a exercé. Or il a moins d’une année d’activité car il n’a été investi que le 5 février 2015. Ce gouvernement a été accueilli dès son investiture par des actes hostiles au point qu’il n’a pas eu droit à son état de grâce. Il a été malmené par des forces occultes qui n’ont eu de cesse de le pousser à la faute.
L’heure du bilan n’ayant pas sonné, pourquoi donc cette levée de bouclier? A l’évidence, ce gouvernement n’a pas pris conscience que les régions avaient besoin, dans l’immédiat, d’un plan d’urgence, pour respirer, le temps que les réformes structurantes produisent leurs effets. Mais cela ne justifie pas le mouvement de rejet qu’on voudrait faire véhiculer en tentant d’embraser la rue tunisienne.
Cependant, il faut lui reconnaître une constance à lutter contre la contrebande. Dès le mois de mars 2015, les douanes tunisiennes et algériennes interviennent sur terrain en concertation. La frontière libyenne est mieux contrôlée, et l’apaisement politique qui se profile, en Libye, n’est pas favorable à la contrebande. Le budget de la Tunisie pour l’année 2016 est totalement tourné vers la répression active de la contrebande. La compression des taux de douane en est le meilleur témoin.
Le ministre des Finances l’a défendu contre la volonté de Christine Lagarde qui avait insisté pour avoir un budget 2016 destiné à booster l’investissement public. Il lui a répondu publiquement, séance tenante, dans l’amphithéâtre de la BCT, au cours du mois d’octobre 2015, qu’il serait configuré pour la lutte contre l’informel. Il faut bien reconnaître que cela ne manque ni de courage ni de conséquence.
Pris en étau, le terrorisme et l’informel, se sentant sur la défensive, mènent un combat d’arrière-garde en essayant d’ameuter la rue tunisienne. Il faut dire que des partis politiques laminés par les urnes leur ont mis la puce à l’oreille. Longtemps on a entendu des politiciens aigris par leur échec soutenir que la majorité parlementaire ne correspondait pas à la majorité réelle dans le pays. Et que c’est la rue qui entend rééquilibrer la situation. Et c’est, peut-être, ce qui explique les derniers événements.
La régionalisation serait-elle la solution?
Le déséquilibre régional ne peut être gommé, de manière structurelle, sur une courte période. Hatem Ben Salem, président de l’Institut des études stratégiques, évoquait une perspective de 10 ans. C’est plausible. Mais le bon peuple est dans l’expectative et n’attendra pas aussi longtemps.
La régionalisation est certes le cadre idoine pour optimiser la prise en mains de la convergence entre les régions en vue de leur intégration à la dynamique nationale. Ce chantier est long à mettre en place.
Par ailleurs, la Tunisie pourra-t-elle, par ses propres moyens, réunir les fonds nécessaires au développement régional? La réponse est connue. Et c’est pour cela qu’en 2011 Abderrazak Zouari, alors ministre du Développement régional dans le gouvernement BCE, s’était tourné vers l’UE, avec un deal pertinent: accepter la Tunisie comme membre sans l’adhésion aux institutions. Il s’agissait de la sorte de permettre à la Tunisie de puiser dans les fonds structurels européens ceux-là même qui sont destinés au financement du développement régional. Hors cette voie, point de salut.
Pour l’heure l’UE continue de faire la sourde oreille et se contente simplement d’activer l’ALECA (Accord de libre-échange complet et approfondi).
Alors, notre diplomatie saura-t-elle opérer ce tour de force? Wait and see!