L’Ordre des ingénieurs tunisiens a organisé, en partenariat avec l’Association des Tunisiens diplômés des universités allemandes, un symposium sur le projet du nouveau statut de la Banque centrale de Tunisie.
Ce projet s’articule sur 100 articles dont un tiers est consacré directement ou indirectement à l’indépendance de la BCT et deux tiers aux procédures techniques et à la gouvernance.
Le Professeur Ali Chebbi, économiste et ex-membre du Conseil d’administration de la Banque centrale, précisera, dans le cadre d’une conférence donnée à cette occasion, en présence d’universitaires, d’experts et d’activistes de la société civile ainsi que d’hommes politiques et parlementaires, que: la BCT s’inscrit dans le sillage des réformes institutionnelles post-révolution, ce qui se présente comme un signal favorable aux institutions nationales et internationales concernées.
Primo, il souhaite que le projet émane d’un package de reformes structurelles et soit plus flexible pour des reformes futures concernant surtout le régime de change et sa gestion.
Secundo, il estime que le projet est prédominé par les mesures renforçant l’indépendance de la BCT quelle qu’en soit la typologie (fonctionnelle/organique, légale/réelle, par les instruments/ les objectifs, de jure/de facto,..), et prônant plus de compétences par rapport à celui de 2006 mais moins de responsabilisation de la BCT. En effet, le projet n’en explicite pas les mécanismes évitant les interprétations multiples.
Tertio, pour lui, l’indépendance prônée est insuffisamment justifiée dans le projet de loi.
Quarto, M. Chebbi pense que la dimension “gouvernance interne et externe“ devrait être explicitée et justifiée. Celle interne engendrerait de potentiels conflits d’intérêts (critères de nomination des membres du Conseil d’administration, structures de contrôle et de supervision). Pour celle externe, les mécanismes de redevabilité et de responsabilisation devraient être améliorés en permettant l’obligation de résultats et/ou de mesures adoptées par la BCT.
Les différences entre le statut de 2006 et celui proposé pourraient être synthétisées dans le tableau ci-dessous:
Le nouveau statut de la BCT : plus de compétences et d’indépendance, mais moins de responsabilisation.
A la fin de débats, Pr. Ali Chebbi a proposé les recommandations suivantes:
Élargir la consultation pour statuer sur le type d’indépendance adéquat avec les prérogatives de la transition et post-transition, en se focalisant seulement sur la performance de la politique monétaire et celle budgétaire, mais aussi la cohésion institutionnelle.
2) Accompagner le projet du statut de la BCT par un projet de reformes stratégiques le justifiant.
3) Relativiser l’étendue de l’indépendance réclamée, et entamer le passage au ciblage de l’inflation (ou du taux de change) pour gagner en transparence, crédibilité et gouvernance externe.
4) Prévoir un renforcement des capacités institutionnelles de la BCT pour réussir ses nouvelles missions.
5) Détailler le statut des employés de la BCT (principes de rémunération, évolution dans la carrière…)
6) Institutionnaliser la coordination entre gouvernement et BCT par la création d’une instance indépendante de (i) coordination des politiques macroéconomiques (monétaire/budgétaire)assurant l’encadrement des anticipations et la dépolitisation de la politique monétaire, et évitant les conflits d’intérêts institutionnels (ii) pour entériner trimestriellement les choix de politiques monétaires face à la conjoncture et des objectifs de la politique économique.
7) Isoler l’Instance de supervision prudentielle macroéconomique, au profit d’une autre instance indépendante et plus élargie.
8) Améliorer le texte du projet pour éviter les mésinterprétations et les jurisprudences.
9) Améliorer la dimension gouvernance en (i) élargissant le Conseil d’Administration de la BCT, (ii) étayant les critères de nomination de ses membres, (iii) développant un mécanisme de contrôle a priori, (iv) renforçant les mécanismes de la redevabilité et de responsabilisation de la BCT en délimitant son champ d’exercice.