Tunisie – Crise de Nidaa Tounes : BCE est-il la solution ou le problème ?

La décision prise lundi 1er février par BCE de limoger son directeur de cabinet, Ridha Belhaj, ne convaincra probablement pas grand monde que ce dernier assume seul la responsabilité de la crise de Nidaa Tounes et ne permettra sans doute pas d’y mettre un terme.

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La crise de Nidaa Tounes aura été, avec le terrorisme et la crise –heureusement finalement dénouée- entre l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) et l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA), l’un des dossiers les plus chauds et les plus compliqués de la première année de la présidence de Béji Caïd Essebsi.

Est-ce surprenant? Non. Car même si les choses se sont aggravées après le départ du fondateur, suite à son élection à la présidence de la République, le parti présidentiel avait déjà montré d’évidents et clairs signes de division de ses dirigeants et cadres tout au long des deux ans et demi entre sa création en avril 2012 et les élections de novembre/décembre 2014. Le pire n’a été évité durant cette première phase que grâce au charisme et à la main de fer du fondateur-président.

Rien n’ayant été fait pour produire une nouvelle culture et une nouvelle identité permettant d’en cimenter les différentes composantes, il était de ce fait inévitable que le président de la République finisse un jour ou l’autre par se trouver impliqué de nouveau dans les affaires de son parti. Mais BCE est-il jamais sorti de la vie de cette formation? En a-t-il jamais abandonné les commandes? Diverses sources concordantes assurent que non.

Certes le fondateur de Nidaa Tounes a démissionné de son poste de président du parti vainqueur des élections législatives de novembre 2014 avant de prendre ses fonctions de président de la République. Mais en réalité le premier président élu au suffrage universel de l’après-Ben Ali a continué à tirer les ficelles du parti présidentiel. D’abord en coulisse puis officiellement et au grand jour lorsque les choses se sont envenimées et en justifiant cette intervention par les implications négatives de la crise de Nidaa Tounes pour la stabilité du pays.

La meilleure preuve en est l’engagement total de son directeur de cabinet, Ridha Belhaj, qu’on imagine mal décider de s’impliquer dans la «guerre civile» de Nidaa Tounes sans l’aval –l’ordre?- de son patron.

Les immiscions et l’affrontement entre les deux camps de Nidaa Tounes se sont donc multipliées au cours des derniers mois sans qu’elles aient permis de rapprocher les positions des deux camps qui s’affrontent.

Bien au contraire, on peut constater rétrospectivement qu’après chaque tentative de BCE de ramener le calme au sein de son parti c’est le contraire qui se produit. Pourquoi? Tout simplement parce que le chef de l’Etat n’a jamais été l’arbitre neutre et à égale distance des deux camps en guerre qu’il affirmait être. Et que les députés contestataires le savaient parfaitement mais ont fait semblant de ne pas le savoir pour ménager BCE.

Les propositions que le chef de l’Etat a mises sur la table soit disant pour aider à trouver une sortie de la crise de Nidaa Tounes attestent si besoin de sa partialité.

En voici un exemple. Lorsque le camp de Hafedh Caïd Essebsi demandait la dissolution du bureau exécutif (BE) que Mohsen Marzouk et ses partisans considéraient comme la seule instance légitime du parti, BCE a fait semblant de couper la poire en deux et décidé que le BE ne serait pas dissout mais «seulement» dépouillée de ses prérogatives et cantonnée dans un rôle symbolique. Une manière détournée pour le fondateur de Nidaa Tounes de permettre à son fils d’imposer sa volonté, mais qui ne trompe personne.

La décision prise lundi 1er février par BCE de limoger son directeur de cabinet, Ridha Belhaj, ne convaincra probablement pas grand monde que ce dernier assume seul la responsabilité de la crise de Nidaa Tounes et ne permettra sans doute pas d’y mettre un terme. Car d’aucuns pensent que M. Belhaj n’a été dans ce dossier que la voix de son maître et que le seul limogeage qui compte et qui pourrait sauver Nidaa Tounes –à supposer que ce soit encore possible- est celui du propre fils du fondateur du parti, Hafedh Caïd Essebsi.