Comment ne pas admirer un jeune Premier ministre socialiste qui ose engager des réformes naguère qualifiées de «droite» parce que cela sert l’intérêt national? Et comment respecter des institutions nationales nobles dont l’histoire est reluisante lorsque, pour imposer leurs lois et asseoir leur pouvoir, elles minent l’économie faisant pression sur des décideurs publics chancelants pour imposer leur volonté?
Matteo Renzi, chef du gouvernement italien, avait promis de transformer l’Italie. Une année et demie après sa prise de pouvoir, les résultats sont là : l’Italie commence à sortir sa tête de la mélasse.
Il a usé pour ce faire d’un levier important: la souplesse et la flexibilité du travail. D’après un document diffusé sur France 2: «Contre l’avis de l’aile gauche de son parti et des syndicats, Matteo Renzi a mis fin au règne de l’emploi à vie et a fait voter le “Jobs Act”, qui a introduit un système de flexi-sécurité, avec un contrat de travail plus souple. Dans son usine, Luciano Miotto, représentant du patronat italien, s’est remis à signer des CDI. Un employé a ainsi dit adieu à dix ans d’intérim».
Matteo Renzi s’est inspiré de l’expérience allemande en la matière. La loi qu’il a fait adopter au Parlement italien favorise les CDI en accordant des incitations fiscales aux entreprises et une «protection croissante» pour les employés en fonction de l’ancienneté. Elle stipule aussi que l’entreprise peut obliger les employés à changer de poste dans le cadre d’une restructuration, à condition que leurs salaires soient sauvegardés.
Le premier ministre italien, toujours selon France 2, a augmenté de 5% les plus bas salaires pour relancer le pouvoir d’achat, soit 80 euros par mois pour 10 millions d’Italiens.
D’un autre côté, le “Jobs Act” permet les licenciements pendant les trois premières années. Les décisions courageuses de Renzi ont eu pour résultat de relancer l’emploi dans un pays où le chômage est de 12,7%.
En Tunisie, des salaires en hausse et la productivité en baisse
En Tunisie, faute de trouver une formule pour protéger les travailleurs et préserver les finances publiques, l’un des premiers “actes de bravoure“ de l’UGTT a été l’élimination de la sous-traitance dans le secteur public. Ceci a été accompagné d’un combat acharné contre toute velléité gouvernementale d’encourager la flexibilité du travail ou l’intérim dans le secteur privé.
Conséquence: les entreprises nationales et multinationales boudent la Tunisie car elles ne peuvent s’aventurer à opérer dans un pays où leurs équilibres financiers risquent de s’effondrer à tout moment. Dans nombre de secteurs économiques à forte fluctuation, tel celui des équipementiers automobiles ou aéronautiques, on préfère recourir à la formule du chômage technique pour justifier une réduction du nombre d’employés lorsque les commandes baissent. Alors qu’il est plus simple de recruter des intérimaires le temps de répondre aux grosses commandes et leur offrir des salaires plus importants que les permanents au vu de la précarité de leur situation professionnelle.
L’organisation et une meilleure réglementation du secteur des agences spécialisées dans l’intérim auraient permis de protéger les intérêts des travailleurs en leur permettant de bénéficier de tous les avantages de leurs pairs et plus encore, mais elles ont été sacrifiées sur l’autel de la «révolution» et aux discours populistes des uns et des autres. Ces agences bien cadrées auraient pourtant pu œuvrer à diminuer le chômage structurel.
Qui n’est pas choqué aujourd’hui par la saleté, les dépôts d’ordures ménagères ou encore les espaces verts mal entretenus ou complètement délaissés en passant par le centre-ville, les grandes artères, les cités populaires ou résidentielles?
Le nombre des travailleurs municipaux, ceux des chantiers (en arabe «ommal al Hadha3ir») est passé de 20.000 en 2010 à 80.000 en 2012, avant de reculer à 63.000 en 2015. Sans oublier les travailleurs dans le secteur agricole qui sont de l’ordre de 40.000.
Presque 123.000 travailleurs qui ont vu leur situation financière considérablement améliorée, mais leur productivité baisser. Un dicton tunisien illustre cette situation: «Zedouh lighta, zed griss» (On a ajouté le nombre de couvertures à un frileux, il a eu encore plus froid).
Mais qui oserait parler de productivité lorsque la centrale patronale, elle-même, a été impuissante à imposer la productivité, la flexibilité du travail ou encore la prise en considération du facteur croissance économique dans les négociations pour les augmentations salariales? Une centrale incapable de débattre avec les syndicats et de les convaincre de la nécessité de préserver l’entreprise si l’on veut préserver l’emploi, une centrale dans l’incapacité de dénoncer les abus, ou les risques des accords conclus sur la survie des PME/PMI et la préservation des postes d’emploi.
Les grands groupes, quant à eux, auraient pour la plupart des «amis» au sein de la centrale syndicale avec lesquels ils négocieraient des accords de «gré à gré» pour assurer la paix et la stabilité au sein de leurs propres entreprises, délaissant, par là-même, la centrale patronale et la fragilisant. Chacun pour soi et Dieu pour tous!
Le racket des chômeurs !
Qu’ils soient diplômés ou non diplômés et au-delà de la situation désespérée et désespérante de milliers de jeunes tunisiens qui pèse de tout son poids sur des millions de Tunisiens, nous ne pouvons manquer de dénoncer l’attitude et les agissements rebutants d’une certaine catégorie de chômeurs. Les chômeurs, osons quand même le dire, ne sont pas tous des anges ou des victimes comme on veut bien le faire croire par des discours populistes destructeurs.
La fonction publique est sursaturée et de nouvelles recrues mettraient l’Etat en faillite. Il n’y a que le secteur privé qui soit capable de réduire le chômage des diplômés et des non diplômés à condition qu’ils acceptent de suivre des formations qui leur permettraient d’intégrer les entreprises. A condition aussi que le racket à l’empêchement du travail et aux grèves sauvages s’arrête.
Habib Essid, chef du gouvernement avait annoncé le recrutement de 23.000 demandeurs d’emploi via des concours qui aura lieu incessamment ainsi que 50.000 non qualifiés dans les grandes surfaces et le secteur privé, pourtant peut confiant dans le climat social du pays et qui n’investit plus. 30.000 soldats seront mobilisés dont un grand nombre pourrait être embauché et un emploi pour chaque famille nécessiteuse. Les diplômés, quant à eux, pourraient lancer leurs propres projets sans autofinancement et sans cautionnement pour bénéficier d’un crédit bancaire. What else?
Des gouverneurs spectateurs devant la destruction du tissu entrepreneurial
Nous avons beau essayer de comprendre les frustrations des jeunes, il est intolérable que l’on les laisse agir à leur guise, barrant les routes et bloquant l’accès des travailleurs à leurs entreprises. L’attentisme des gouverneurs est à ce titre honteux! Ainsi, à l’usine de Carthage Cement dans la zone industrielle de Ben Arous, l’accès est bloqué par une centaine de chômeurs qui exigent d’être recrutés. Cela ne s’appelle pas une demande d’emploi mais du grand banditisme, et le refus du gouverneur d’intervenir s’appelle «non-assistance à économie en danger».
De source fiable, les Danois qui exploitent l’usine menacent, s’il n’y a pas de réaction des autorités, de jeter l’éponge, fermer l’usine, mettre fin à leur contrat et quitter la Tunisie. Super! Aux chômeurs «bandits» viendraient s’ajouter d’autres, ceux-là victimes du laxisme des autorités publiques et de l’absence dans la Constitution tunisienne d’un article instituant le droit au travail.
Sous d’autres cieux et toujours selon la même source, les usines de Safia au Kef (270 personnes) et de Sabrine à Kairouan sont également bloquées pour les mêmes raisons. Des chômeurs qui exigent d’être embauchés alors que les sites sont en très largement en sureffectif. Elles ont choisi de fermer leurs portes et mis leur personnel en chômage technique devant le refus des autorités locales d’intervenir pour les protéger et garantir le droit au travail.
Il y a plus de 10 jours, une des plus belles usines tuniso-allemandes de confection a définitivement fermé ses portes. C’était une référence avec 20 ans d’existence et d’expérience et qui employait 350 personnes en direct, sans compter les emplois indirects de ses multiples façonniers.
Les raisons? Des revendications et des grèves illégales et injustifiées à profusion. Un chef d’entreprise qui gagne son procès mais ne trouve pas l’appui de l’autorité pour faire appliquer le jugement et empêcher quelques personnes de bloquer l’usine.
A Kerkennah, et suite aux sit-in à répétition des chômeurs diplômés depuis 2012, Petrofac menacé, de nouveau, de quitter définitivement notre pays. La société en a marre de perdre à chaque mouvement social 200.000 dinars par jour à cause de l’interruption de sa production.
Le gouverneur de Sfax est aussi inscrit aux abonnés absents! A ce point, nos gouverneurs ont peur d’appliquer la loi? A ce point, ils sont devenus impuissants? A ce point, ils sont indifférents quant à la préservation du tissu entrepreneurial privé dans leurs gouvernorats? Un grand point d’interrogation se pose à ce propos. A quoi servent les gouverneurs et quels intérêts servent-ils?
A quand un Matteo Renzi en Tunisie?