La diplomatie (tunisienne) peut-elle empêcher l’hégémonie? Anticipant les dégâts probables sur les pays du voisinage, en cas de bombardement de la Libye, l’alarme prévenante émise par la Tunisie se dresse contre la guerre préventive. BCE dit haut et fort : “On refait le match“.
Quelle sera l’onde de choc de son avertissement?
Posture inédite à ce jour, la Tunisie campe le rôle de lanceur d’alerte dans ce climat d’hostilité ambiante contre la Libye. Elle dénonce une initiative antagoniste, en préparation, contre notre voisin de l’est.
Sa thèse est imparable. La Libye est en cours de rétablissement politique. Il faut lui laisser le temps de se réconcilier. Le consensus politique est la seule solution viable pour ce pays et elle n’admet pas d’alternative. Tout autre raccourci, au motif de l’efficacité, fera péricliter le processus politique. Et on peut le percevoir, à juste titre, comme complot contre la Libye. Et, même les pays voisins.
La Tunisie va-t-elle trop loin dans la dénonciation? Il faut garder à l’esprit que la diplomatie tunisienne repose, entre autres piliers, sur le principe de la non-ingérence –principe fondamental de l’ONU. Cependant, la non-ingérence n’empêche pas qu’on relève la garde et qu’on pointe du doigt l’agression caractérisée. Bien vu.
Le mystère est trop clair…
En effet, c’est mardi 10 février 2016 que la coalition qui se met en place pour bombarder, éventuellement, la Libye se réunira à Rome. Elle entend finaliser le plan d’agression qu’elle trame contre ce pays. BCE crie au “payscide“ de la Libye. Toutefois, il ne le dit pas expressément. Mais il est aisé de le deviner.
A égale distance des deux belligérants, il a la bienveillance de désigner les assaillants, de pays amis. Cette attitude de neutralité lui permet de mieux porter ses coups contre le projet d’attaque.
A la manière de Marcel Proust, il explique que “Le mystère est trop clair“. L’agression militaire contre la Libye n’est pas la solution mais le problème. Selon BCE, elle vient étouffer un règlement politique qui se profile même s’il trébuche. La solution militaire saboterait l’aboutissement du consensus national mais pas seulement. Elle mettrait en péril l’intégrité politique et territoriale de ce pays et la stabilité des pays du voisinage. En effet, elle peut donner l’occasion à Daech de métastaser (davantage) dans les pays de la région.
Dynamiter le processus politique apparaît donc comme un complot prémédité.
L’argument de la migration de Daech de Syrie vers la Libye: une ficelle trop grosse.
Assez, assez, assez. La Libye a trop souffert des interventions militaires extérieures. En juillet 2011, l’équilibre des forces sur le terrain a été modifié suite à l’intervention de l’OTAN. La pléthore d’armes larguées par la coalition conduite par l’OTAN a équipé les milices et cela a coûté sa stabilité politique à ce pays meurtri.
Le fait de maintenir la Libye dans cette situation de plaie ouverte est une façon pour en faire un terrain où Daech pourrait se régénérer. Par conséquent, soutenir aujourd’hui que Daech fuyant les bombardements en Syrie vient se réfugier en Libye est un mensonge téléphoné. A ce qu’on sache, la supériorité des airs permet de neutraliser et même d’écraser l’ennemi au sol. Pourquoi les bombardements en Syrie feraient-ils exception?
Cela voudrait donc dire que ces bombardements avaient pour but de canaliser les jihadistes vers la Libye. Et ils n’y viendraient pas pour se terrer. Non leur première colonne occupe les terminaux pétroliers. Les nouveaux arrivants à la faveur des bombardements pourraient s’emparer des gisements de pétrole cette fois. Daech hériterait donc d’un fabuleux trésor de guerre qui lui permettrait d’irradier alentour. C’est-à-dire de la Tunisie au Soudan en passant par le Mali et le Tchad. C’est bien ce que redoute la Tunisie et tout le voisinage libyen.
La Tunisie irait-elle plus loin?
On peut spéculer sur la position de la Tunisie. Celle-ci pourrait constituer une coalition de voisinage et se plaindre à l’ONU -et ce même si cette coalition serait peut consistante (deux pays peut-être). Une coalition militaire de défense comme celle montée par l’Arabie Saoudite au Yémen est une autre possibilité.
Cependant, à bien y regarder, la Tunisie crée une casuistique redoutable. En s’invitant sur le terrain, sans même qu’on l’y convie et encore moins qu’on l’y attende, la Tunisie bloque le jeu. Si donc la coalition n’a pas d’objectif prémédité de déstabiliser la région, en y diffusant Daech sur une large échelle, elle pourrait se concerter avec la Tunisie comme l’y invite BCE et peut-être se raviserait-elle.
Si la coalition outrepasse l’avertissement tunisien, elle tomberait dans le panneau du complot, qui ne serait plus un air d’antiaméricanisme primaire mais bien une vérité avérée. Echec et mat! Joli coup de BCE.