«Auriez-vous une personne influente qui puisse négocier avec la Jabha?» Négocier! Négocier avec qui, dans quel cadre et à quel titre? Et pourtant, c’est ce qu’aurait demandé le gouverneur de Sfax aux représentants de la société Petrofac qui lui avaient demandé de jouer son rôle de gouverneur et protéger les établissements économiques sis dans sa zone d’influence.
Car à Sfax, les partis politiques de l’extrême font la loi en l’absence de l’Etat. On se demande, d’ailleurs, à quoi servirait un gouverneur qui ne sert à rien, en tout cas pas à grand-chose! C’est d’autant plus valable pour son délégué économique et social qui aurait d’ores et déjà préparé une liste de 400 personnes quêteuses d’emplois que le l’Etat devrait recruter.
Il mettrait, «de source fiable», cette seconde liste sur la table lorsque les 50 sit-ineurs -conduits par un militant du POCT, un autre du Watad et un troisième du parti Ettahrir- décideront de mettre fin à un sit-in qui a coûté 4 millions de $ à Petrofac et 4,8 millions à l’Etat tunisien. Car, rappelons quand même que le gaz acheté en Algérie coûte 20% de plus que celui vendu par Petrofac à la Tunisie. Heureusement que Petrofac ne fournit notre pays qu’à hauteur de 12% de ses besoins en gaz naturel, sinon, nous nous réveillerons un jour avec un pays aux «arrêts» dans tous les sens, au propre comme au figuré.
C’est le chaos en Tunisie, où ceux qui devraient veiller à l’application de la loi ont tellement peur de «sauter» de leurs sièges qu’ils assistent impuissants à la détérioration du tissu économique en jouant aux autruches ou pire en se soumettant à des pratiques de demandeurs d’emplois qui s’apprêtent plus à du grand banditisme qu’à des revendications sociales respectables et logiques.
«Ama nal3ab walla nharrim» (si je n’y suis pas, personne n’y sera), c’est à cela qu’assiste inopérant tout l’establishment politique et public du pays, alors que nous n’arrivons plus à assurer un climat social adéquat à la préservation et à la création des emplois.
«Et pourtant, l’UGTT ne couvre pas ce sit-in, la centrale ouvrière s’en lave les mains. C’est un sit-in sauvage qui n’est pas adossé à des revendications légales», assure Imed Darouiche, PDG de Petrofac Tunisie, qui rappelle par la même occasion que si «Petrofac Tunisie ne pèse pas plus de 1% dans le chiffre d’affaires de la grande multinationale pétrolière, elle est néanmoins à l’origine de 99% de ses problèmes». (Voir vidéo).
Pourtant, en matière de RSE, la firme, qui emploie 170 personnes, qui ne travaillent pas depuis 20 jours à cause du sit-in, n’a rien à se reprocher. Elle a participé à la création de 50 projets pour encourager l’emploi des jeunes dans la région, a contribué à l’amélioration de l’état des infrastructures à Kerkennah, acquis des équipements pour les hôpitaux, des panneaux solaires pour fournir de l’électricité à ceux qui n’en ont pas, financé la restauration de structures éducatives, etc. Cela ne l’empêche pas d’être victime d’un racket à l’emploi dans le silence total des autorités compétentes à Sfax.
«Il y a une valeur: le droit au travail. Pour moi le laxisme auquel nous assistons tous porte atteinte à l’Etat dans son essence même. Celle de faire appliquer et respecter la loi. Si l’Etat n’y arrive pas, alors à quoi devons-nous nous attendre et qui veillera sur la préservation du tissu économique du pays dans ce chaos?», se demande le PDG de Petrofac Tunisie.
Une question à laquelle peu de hauts responsables pourraient répondre dans l’état actuel des choses. Un contexte des plus difficiles dans un pays où mafias et complicités politiques font autorité, où les premiers responsables des régions font la sourde oreille et se préservent pour préserver leurs sièges, où les procureurs ménagent les transgresseurs de la loi au lieu de veiller à son application. Un pays où les créateurs de richesses ou les investisseurs sont tous et sans aucune distinction considérés comme des «bandits et des sangsues» alors que les affairistes et les hommes d’affaires véreux sévissent dans la clarté du jour, protégés, nous ne savons plus par qui ou par quoi. Le monde à l’envers!