Sérigraphie, textile, marbrerie et dallage, autant d’activités de promoteurs ayant élu domicile dans la zone industrielle de Kasserine. Cette zone d’environ 33 hectares, qui se trouve à 5 km du centre-ville de Kasserine, abrite 28 entreprises, affirme sur place Lasâad Assily, directeur du Groupement de maintenance et de gestion (GMG) de la zone. Si la crise économique que connaît le pays, depuis le 14 janvier 2011, à contraint certaines entreprises textiles ou d’abattage de poulet à fermer leurs portes, d’autres entreprises résistent, continuent leurs activités, voire prospèrent.
Exploitation des ressources de la région
L’activité n’était pas intense ce matin, dans cette zone adossée au mont de Châambi. De rares voitures passent à vive allure, une dizaine d’ouvriers prennent leur pause, regardent avec curiosité. Des jeunes filles en tablier s’activent à l’étage supérieur du bâtiment abritant le siège de Néopal Tunisie, entreprise de transformation et de valorisation des produits biologiques issus de la figue de barbarie.
Environ 600 tonnes de cette plante sont transformées annuellement en huile et poudre de cactus, produits servant à la fabrication de médicaments et surtout de cosmétiques, shampoing, crème et sérum qui font le bonheur des dames en Europe, particulièrement, en Allemagne et en France, selon le directeur exécutif de la société Mohamed Rachdi Bennani.
Mohamed, jaloux de ces procédés de fabrication et discret sur le chiffre d’affaires de l’entreprise, dont 90% de la production sont destinés à l’export, interdit la prise en photo de certains coins de l’unité de fabrication dont les dimensions ne dépassent pas celles d’une grande villa. Il s’apprête à diversifier ses produits en exploitant un autre fruit coriace et connu pour ses bienfaits, la grenade. Je prépare également un projet de valorisation des sous-produits de la figue en collaboration avec le centre de biotechnologie de Sfax, ajoute cet homme âgé de 45 ans et licencié en droit des affaires. Mohamed n’est pas le seul promoteur dans la zone industrielle de Kasserine qui a su valoriser un produit local.
Le marbre, figure parmi les ressources qui abondent à Kasserine, ce qui a incité d’autres promoteurs à s’installer dans la zone. Les activités de la société “Le marbre de Brin” en matière de transformation de pierre marbrière ont commencé en 2008, moyennant un investissement d’environ 8 milliards de dinars. Cette entreprise qui emploie entre 30 et 50 ouvriers permanents et saisonniers, consacre une partie de sa production à l’exportation, affirme Anis Missaoui, architecte conseiller, qui remplace ce matin son père dans la direction de l’usine.
Anis parle fièrement de la technologie italienne utilisée pour polir la pierre marbrière, dont de grandes quantités sont entassées dans l’enceinte de l’usine, tout en évoquant les difficultés que rencontre l’entreprise pour faire venir un technicien de l’Italie pour réparer une machine.
Anis parle également de l’absence de main d’oeuvre qualifiée, qui préfère exercer dans les unités situées dans les régions côtières. Il pointe particulièrement du doigt les activités parallèles dans ce domaine. Les responsables de ces activités “exploitent des gisements à la volée et travaillent dans le noir”, affirme-t-il à l’Agence TAP, précisant que les amendes que l’Etat décide à leur encontre, ne sont pas dissuasives. “L’Etat doit être ferme dans l’application de la loi”, estime Anis.
Cependant, en l’absence de mécanismes de contrôle efficace, l’application de la loi ne constitue pas une tâche aisée, notamment quand il s’agit de réconcilier entre la promotion de l’investissement dans une zone “réputée difficile” et la protection de l’environnement.
Investissement oui, mais pas au détriment de l’environnement
Des responsables d’une tannerie de cuir brut qui vient d’ouvrir ses portes dans la zone de Kasserine ont tenté de s’esquiver au devoir de s’équiper en station de traitement des eaux usées par plusieurs moyens, selon Majed Hagui, expert en environnement dans la région. Ainsi, ce projet tuniso-turc, qui emploie une trentaine de personnes dont environ 15 non permanents, a entamé ses activités, une première fois, en juillet 2014, puis une seconde fois en août 2015, selon le directeur de GMG.
A chaque fois, ses responsables ont été contraints par l’Agence nationale de protection de l’environnement (ANPE) d’arrêter leurs activités en raison des eaux usées évacuées sans traitement dans la zone industrielle, précise également l’expert.
Walid Mzoughi, conseiller auprès de cette société préfère passer sous silence cette épisode. Il s’étale plutôt sur la qualité du cuir produit par l’usine et destiné à des maroquineries à l’étranger. Il explique également, aux visiteurs le fonctionnement de la station de traitement dont l’usine s’est enfin, équipée.
Walid assure que les produits chimiques utilisés dans l’usine sont “écologiques”, tout en montrant quelques sachets de chrome neutralisé entassés dans l’allée menant à la petite station de traitement qui occupe un coin de l’usine. Entre temps, un camion vient de s’arrêter devant l’usine pour emporter la marchandise, qui devrait atterrir d’abord, en Turquie avant d’être exportée une deuxième fois en Europe.