Monsieur le chef du gouvernement, les Tunisiens sont désespérés, les investisseurs étrangers le sont encore plus, les optimistes perdent le sourire, les confiants se sentent abandonnés, les ambitieux se projettent ailleurs, les jeunes ne rêvent plus!
Monsieur Essid, pensez-vous que sauver la Tunisie est encore jouable? Pensez-vous que l’économie pourrait être là où l’Etat n’est pas? Là où l’Etat est incapable de mettre fin à l’hégémonie des syndicats, là où nombre de vos gouverneurs sont démissionnaires, payés sur le dos des contribuables à ne rien faire?
Un pays où le titre de chômeur est devenu un prétexte pour tous les dépassements, où l’on paye des bandits pour occuper les entreprises privées et publiques au vu et au su des autorités et sans que l’on lève le plus petit doigt pour protéger établissements, investisseurs et travailleurs?
Comment tolérer -quel que soit le niveau du sous-développement d’un pays- qu’un groupe de chômeurs construise un mur sur les rails pour empêcher le transport du phosphate? Un mur qui empêche l’Etat d’avoir des ressources dont il a grand besoin? Pire, un mur détruit par les autorités publiques et reconstruit de nouveau par les mêmes acteurs? Comment accepter que l’on crache sur un agent de l’ordre qui réagit, et vous parlez d’Etat!
Pourquoi les chômeurs tunisiens seraient-ils si différents des Allemands (4,7%), Belges (8,5%), Espagnols (22,7%), Finlandais (9,4%), Français (10,5%), Polonais (7,9%), Italie (12,4%), et j’en passe?
Serait-ce la prime de chômage qui ferait la différence? Une prime perçue en Tunisie sous différentes formes et dont l’illustration la plus choquante est celle de «Oummal Al Hadha3ir», les travailleurs des chantiers! Et des chômeurs auxquels on propose tout ce qui est «possible» pour les aider mais qui campent sur leurs positions, ils veulent le travail sûr: «Il mismar fil hit» dans le public et dans le privé?
Tous ces chômeurs dans les pays démocratiques bloquent-ils les usines ou les établissements publics parce qu’ils ne travaillent pas? Détruisent-ils les tissus économiques de leurs pays? Menacent-ils de s’immoler? Bien sûr que non, parce qu’ils se sont nourris dans la culture patriotique et sont imbibés non pas de la culture du chantage au suicide, des rapports de force et du racket sentimental mais celle du respect des institutions et de la préservation des acquis!
Quand l’UTT et l’UGTT se font la guerre, ce sont les entreprises trinquent !
Quand les acteurs sociaux, qu’il s’agisse des syndicats des patronats ou ceux des travailleurs, abusent dans l’exercice de leurs avantages, atouts ou privilèges, un Etat fort tout comme ses institutions prennent les décisions qui s’imposent pour protéger les acquis du pays.
Les mesures risquent de faire mal? Pourquoi pas, il vaut mieux couper dans le vif avant que cela ne dégénère que de regretter de ne pas avoir réagi à temps lorsqu’on a tout perdu.
Qu’est-ce que vous êtes en train de faire de la Tunisie, Messieurs les présidents des partis, les représentants du peuple à l’ARP, ministres et gouverneurs? Est-ce par lâcheté? Opportunisme? Ambition politique? Manfoutisme? Indifférence ou avidité que vous laissez les syndicats sévir poussant tous les investisseurs à déserter le pays? Etes-vous conscients que, par votre silence, vous devenez les complices de la déchéance socioéconomique de la Tunisie? Etes-vous conscients que votre laxisme est en train de détruire ce qui reste d’un pays dont le projet de désintégration a démarré non pas en 2011 avec l’entrée en exercice d’une Troïka, qui a complètement décérébré les institutions de l’Etat, mais le jour où les pseudo-révolutionnaires ont décidé de réécrire une Constitution qui a produit un régime bâtard où tout le monde gouverne et où personne ne fait autorité?
Le chaos créateur, nous sommes en plein dedans, sauf qu’il est destructeur et que la faiblesse des décideurs publics n’a d’égal que la couardise ou la voracité des acteurs sociopolitiques.
Aujourd’hui, dans la guerre à l’électorat que se livrent UTT et UGTT, les entreprises menacent de fermer leurs portes et elles ont bien raison. Personne ne peut survivre à la pression des préavis des grèves et les luttes intestines à l’intérieur d’un même établissement entre syndicats ennemis.
Aujourd’hui, les entreprises étrangères, qui doivent honorer leurs commandes, attendent tout juste de fournir leurs clients avant de partir définitivement d’un pays où le climat social délétère les empêche de respirer.
Aujourd’hui, les revendications innombrables conjuguées à une baisse de la productivité, absence de discipline, complicité d’un grand nombre d’inspecteurs de travail affiliés dans leur majorité à l’UGTT, connivence officieuse des gouverneurs et des délégués dans certains gouvernorats comme ceux de Ben Arous, de la Manouba, de Sfax, de Béja, forcent ceux qui ont résisté à ce jour à baisser les bras. Ils abandonnent. Les offensives, contre offensives pour gagner de nouvelles adhésions sacrifient les entreprises. Les syndicats devraient désormais penser à recruter dans les rues les chômeurs qu’ils sont en train d’y mettre.
Les fermetures s’accélèrent, les investisseurs étrangers, y compris ceux qui échappent jusqu’à maintenant aux troubles syndicaux, s’inquiètent, leurs clients en sont informés et pensent s’approvisionner ailleurs.
L’UGTT Manouba menace d’une grève qui touchera essentiellement les usines de confection à la Zone industrielle de Ksar Saïd à cause du problème de l’IRPP qui est national et qui n’est pas du ressort des chefs d’entreprise. Un autre coup porté au secteur du textile. Et les investisseurs dans la zone d’Enfidha paniquent après la grève générale déclenchée par l’UGTT, la centrale syndicale patriote»
Certaines entreprises à Enfidha (dont nombre d’étrangers) viennent déjà de subir les conséquences de la grève générale déclenchée par l’UGTT locale pour appeler au développement et à l’emploi. Tant il est vrai que le ridicule ne tue pas! On envenime le climat social, on rebute les investisseurs, on soumet les autorités publiques au chantage pour créer de l’emploi. Aujourd’hui, des firmes comme Petrofac, Safia, Carthage Cement, Cimenterie de Jebel Oust et d’autres souffrent de la dictature des syndicats et des chômeurs «victimes».
On aura tout vu !
Mais quand la culture patriotique n’est plus, rien n’est rien n’est possible. Malheureusement c’est le cas aujourd’hui dans la Tunisie, fleuron du printemps arabe!