Nos ancêtres n’avaient pas tort, semble-t-il, lorsqu’ils avaient surnommé les figues de barbarie “sultan des fruits”. Quand les secrets cachés de ce fruit lui ont été révélés, Mohamed Rachedi Bannani, de la région de Kasserine (centre-ouest de la Tunisie), a mobilisé des fonds d’environ 1,1 million de dinars pour investir dans les figues de barbarie en lançant son projet, le premier du genre en Tunisie.
Dans les traditions culinaires tunisiennes, ce fruit n’occupe pas, vraiment, une place importante auprès des consommateurs qui lui préfèrent d’autres variétés de fruits. Bien que conscients de ses vertus, nos ancêtres n’ont pas vraiment cherché à l’exploiter comme il se doit, puisqu’ils n’ont tenté que de le transformer en marmelade.
Mohamed Rachedi Bannani nous a confié qu’il ignorait les vrais secrets des figues de barbarie dont son père n’arrêtait pas d’en faire l’éloge.
Notre interlocuteur n’avait pas de connaissances agricoles encore moins une idée bien précise sur les vertus des figues de barbarie puisqu’il est titulaire d’un diplôme supérieur en droit des affaires, et a souffert, comme beaucoup de jeunes, d’une longue période de chômage (cinq ans). Il a travaillé dans quelques entreprises qu’il a quittées suite à leurs faillites.
Mohamed affirme que l’idée de chercher à valoriser les figues de barbarie remontait à 2001 alors qu’il était au chômage. Il a donc suivi une formation à Montpellier (France) dans le domaine de l’agroalimentaire et entamé, ensuite, les recherches avec l’aide de ce centre et d’un bureau d’études allemand.
Le jeune investisseur avait alors présenté son projet aux parties concernées en Tunisie en 2005. Après deux ans de difficultés bureaucratiques, a-t-il dit, le projet a enfin démarré en 2007. Il s’agit de transformer les graines des figues de barbarie en huile cosmétique.
Les débuts firent difficiles, mais une société allemande a été contrainte de modifier les composantes d’un appareil électrique pour moudre les pépins de ce fruit et les transformer en huile dont le litre se vend à 800 euros en Europe, soit plus de 1.600 dinars tunisiens.
Pour un litre d’huile il faudrait moudre une tonne de graines. Cette huile, selon Mohamed, est riche en vitamine E, un antioxydant très bénéfique pour la peau. Au fil des années, Mohamed a développé son projet avec la fabrication de plusieurs produits et préparations cosmétiques à partir de ce fruit.
Le projet emploie, actuellement, 30 personnes dont cinq cadres et dix titulaires. 600 tonnes de figues de barbarie sont transformées, chaque année, à l’usine Mohamed Rachedi Bannani. Cette quantité est collectée par 42 agriculteurs qui ont signé des contrats avec le propriétaire du projet qui offre, chaque année, une quarantaine de postes d’emploi saisonnier.
90% de la production sont destinés à l’exportation vers les marchés européens. 10% seulement sont commercialisés sur le marché local. L’usine a entamé, depuis le 8 février 2016, la commercialisation du jus des figues de barbarie sur les marchés européens et envisage d’écouler une partie de la production sur le marché local, à partir de la prochaine saison (août 2016).
Des expériences sont en cours pour extraire à partir des pépins des figues de barbarie, une poudre pour le visage. D’autres expériences sont, également, en cours sur les fleurs des figues de barbarie en vue de fabriquer un traitement pour les maladies de la prostate.
Mohamed a refusé de révéler son chiffre d’affaires en disant que l’Etat lui a accordé dix ans d’exonération fiscale, ajoutant que les agents fiscaux l’avaient contacté pour effectuer les procédures de révision fiscale bien que la période d’exonération ne soit pas encore achevée.
Après le succès de son projet, Mohamed ambitionne de lancer une nouvelle unité agroalimentaire pour la valorisation et la transformation d’un autre fruit surmonté d’une couronne: les grenades.
TAP/WMC
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