Quoi de plus absurde qu’un prix Nobel de la paix décerné à un quartet accueilli à grandes pompes dans les plus grands pays du monde (Etats-Unis, Allemagne, France, Italie) par les seigneurs de paix ou de guerre, tout dépend… lorsque dans la Tunisie d’aujourd’hui ce sont des désaccords perpétuels et des affrontements destructeurs qui prennent le pas sur la paix? Le quartet aurait, semble-t-il, réussi la grande gageure de sauver la fameuse transition démocratique si chère aux stratèges américains. Mais notre pays a-t-il réussi sa transition socioéconomique?
Des satisfécits, des distinctions, des décorations et des médailles, comme les toutes dernières reçues par le quartet à la Ligue des Etats arabes au Caire. Elles récompensent les efforts du quartet pour la mise en place d’un gouvernement de technocrates et le sauvetage de la Tunisie d’une crise politique qui pouvait tourner au tragique! Avant lui, il y a eu tout un peuple qui, pendant des mois, a occupé la place du Bardo et toutes les avenues adjacentes, des députés qui ont observé un sit-in et refusé de se soumettre au diktat d’une majorité islamiste à la Constituante. Mais ceux-ci sont les oubliés du Nobel!
Des distinctions à n’en plus finir, des cérémonies, des ovations! Mais à quoi auraient-elles servi? Ont-elles réussi à apprivoiser les appétits hégémoniques d’une UGTT qui se veut l’Etat qui absorbe l’Etat?
Ont-elles renforcé la capacité du patronat à raffermir ses rangs, défendre ses adhérents, comme il se doit, et devenir une puissance économique régulatrice?
Ont-elles incité le bâtonnier à s’investir plus dans l’amélioration du cadre juridictionnel et dans la défense de l’Etat de droit en menant des actions constructives aussi bien avec ses vis-à-vis au gouvernement qu’avec le corps de la magistrature?
Ont-elles encouragé le président de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme à se préoccuper plus de repositionner sa propre organisation qui a viré au syndicat (un de plus) oubliant son rôle tel que défini à sa création, soit celui d’être «un acteur civique libre et indépendant des partis politiques, des syndicats et des associations impliqués dans la vie politique et combattant les injustices, le racisme, le sexisme, et les discriminations de tous ordres»?
Rien de tout cela ne fût. Mieux encore, qu’ont apporté ces voyages incessants à une Tunisie en mal d’image et de visibilité? C’est bien grâce à la Tunisie et son peuple que le quartet a eu le prix Nobel, qu’ont-ils fait pour la servir et lui rendre la pareille? Du lobbying? On n’en voit pas réellement les fruits!
Par contre, le pays se débat dans des difficultés innombrables. A ces difficultés, on réagit par des voyages qui se succèdent et à une instabilité sociale qui s’installe. Que la Tunisie disparaisse de la carte du monde, ce n’est pas le plus important lorsque les «acteurs de sa paix» sont accueillis à bras ouverts par le monde entier!
Marie-Christine Vergiat, députée européenne (Front de Gauche), avait rendu hommage aux quatre acteurs du Dialogue national en les citant comme exemple. Ils auraient été les sauveteurs de la Tunisie. Elle ne sait pas que notre pays n’est pas encore sauvé, que le pire reste à venir et que ces mêmes acteurs ou du moins les plus influents parmi eux pourraient nous mener tout droit au désastre!
Le prix Nobel serait-il tout juste, comme l’a déclaré le philosophe français Marcel Gauchet, «un prix décerné par des gens qui n’ont aucune légitimité pour le décerner et qui le font en fonction de je ne sais pas quoi»?
Il faut reconnaître que l’histoire du prix Nobel n’est pas aussi nette qu’on veut bien le montrer ou le prouver. Ainsi, nombre de récompenses auraient été attribuées «sans prendre en compte le passé du lauréat ou sa politique et ses actes intermédiaires souvent en contradiction avec la définition du prix. Ce qui aurait largement remis en doute la crédibilité voire la légitimité de la distinction» (selon wikipédia).
En effet, le prix Nobel de la paix a été décerné à des personnalités telles que Theodore Roosevelt, pourtant réputé pour être un grand militariste; Menahem Begin, Shimon Peres, Yitzhak Rabin, Henry Kissinger, Mohamed Baradaï -complice de l’occupation de l’Irak-, Eisaku Sato ou encore Barack Obama -qui a mis depuis 8 ans la région arabe à feu et à sang.
Le Mahatma Ghandi, grand homme de paix, a été l’oublié du Nobel. Il faut avouer qu’il n’avait pas besoin d’une reconnaissance plébiscitée par les Etats-Unis qui décide dans son «state department» de qui mérite ce grand prix. Les décideurs US n’avaient pas besoin de lui pour justifier la justesse de leurs politiques dans le monde ou préserver leur image de puissance démocratique soucieuse de la paix dans le monde (sic)!
Quant aux Tunisiens qui voient leurs espoirs, leurs ambitions et leurs attentes pour une Tunisie plus juste, progressiste, paisible et développée, se réduire comme peau de chagrin, eh bien ils n’en ont cure d’un prix Nobel qui perd son éclat rapidement et qui ne leur sert à rien.
Que notre quartet en profite donc tant qu’il est temps, car dans tout juste quelques mois, d’autres prix Nobel viendront le supplanter à l’international et à la célébrité et la notoriété succédera très vite l’oubli!