La finance islamique revendique droit de cité sur la place financière de Tunis en s’essayant dans l’innovation financière. Avec l’appui de la BCT et du Conseil du marché financier. Bientôt les sukuk seront en circulation.
Lundi 22 courant, la Banque Zitouna était dans ses plus beaux atours. Elle a levé le voile sur son business plan quinquennal. Et dans le même temps, elle affiche, sur la place financière, une première avec la création du “Titre participatif“.
La Banque a, pour l’occasion, organisé un séminaire financier pour évoquer les ambitions qu’elle nourrit pour la finance islamique sur la place de Tunis. Cette manifestation fut rehaussée par la participation du gouverneur de la BCT, Chedly Ayari, du DG du CMF, de Mohamed Salah Essayel, et de l’ancien ministre des Finances, Jalloul Ayed. Elyes Fakhfakh était dans la salle. A rappeler qu’il a été à l’origine de la loi autorisant l’émission de Sukuks souverains, lors de son passage au ministère des Finances en 2013; cette loi n’a pas encore reçu ses décrets d’application à ce jour.
La finance islamique et l’innovation financière
A son cinquième anniversaire, la Banque Zitouna affiche une solide santé, et ce qui ressort le plus du speech de son PDG, Ezzeddine Khouja, c’est qu’elle a un grand appétit de croissance.
Ayant programmé une augmentation de capital de 40 millions de dinars, la banque en a reçu 45 MDT et a clôturé l’opération en moins de 48 heures. Cette augmentation a été réalisée grâce à l’émission d’un nouveau titre de fonds propres dit “Titre participatif“, titre hybride qui joint la finance conventionnelle et les principes de la finance islamique. Le titre est émis pour 7 ans avec un rapport de 8%.
La deuxième originalité du titre est qu’une partie du rendement à hauteur de 6% est fixe et l’autre est variable et pouvant aller jusqu’à 2%.
La BID appelle à la création d’un fonds souverain de finance islamique
Dans la foulée de cet événement, la Banque islamique de développement, laquelle détient 21% du capital de la Banque Zitouna, a été à l’origine d’une initiative financière de taille. La Banque Zitouna a remis au gouvernement un projet (Executive Summery) en vue de la promotion d’un “Fonds souverain de finance islamique“ pour doper le financement public. Ce fonds fonctionne simplement. L’Etat sera seul détenteur du capital. Il a la latitude de lever 10 fois sa mise par l’émission de sukuks, en fonction de son agenda de financement pour les projets d’infrastructure.
L’avantage de ce fonds est qu’il évite d’éluder l’exigence d’hypothèque comme il est d’usage car les sukuks fonctionnent selon le mode de la “Ijara“, l’équivalent du leasing en finance conventionnelle.
La BCT va intégrer la finance islamique au marché monétaire
Chedly Ayari entend faire une place au soleil à la finance islamique dans le système monétaire tunisien. Il reconnaît qu’au sein du staff de la BCT, la finance islamique ne fait pas l’unanimité et que les responsables sont partagés. Il souhaite que la réticence envers la finance islamique soit dépassée et il faut familiariser les opérateurs à ce sentier nouveau qui a forcé l’entrée des places financières internationales.
Toutefois, il entend ferrailler pour bien incruster la finance islamique dans les rouages du marché interbancaire. Les banques islamiques en étaient jusque-là exclues, pour motif de déontologie. En effet, les seuls actifs qui ont cours sur le marché interbancaire sont basés sur les taux d’intérêt, donc non-conformes à la finance islamique. Désormais la BCT fera campagne pour insérer un compartiment de produits islamiques.
Le même engagement est pris par Mohamed Salah Essayel, DG du Conseil du marché financier en vue de créer un compartiment boursier où les sukuks souverains et du privé seront négociés. De la sorte, on peut tabler sur un pool international d’investisseurs islamiques qui apporteront un appoint de financement à l’investissement public autant que privé.
Chedly Ayari est allé encore plus loin en demandant à la BID d’accepter en pension soit en REPO les titres tunisiens libellés en devises tous notés AAA. La BID a promis de trouver une issue pour monétiser ces titres de finance conventionnelle.
L’expansion de la finance islamique
Jalloul Ayed, avec son franc-parler, dira que la place doit se dérider et légaliser pleinement la finance islamique. Celle-ci connaît une expansion formidable ces dernières années. Que de chemin parcouru depuis 2002 année de démarrage. En 2014 déjà, rappelle l’ancien ministre des Finances, le marché international a enregistré 180 émissions souveraines sur le marché international. L’encours de la dette souveraine en sukuks pour atteint 350 milliards de dollars.
Les sukuks ont cours sur le continent africain. L’Afrique du Sud et le Sénégal en ont émis, et le Nigeria s’apprête à sauter le pas.
A propos de la réticence de la place de Tunis à l’égard des sukuks, Jalloul Ayed considère qu’elle est tout à fait déplacée, citant l’exemple du Luxembourg et de la Grande-Bretagne qui ont déjà émis des titres en sukuks souverains. En effet, la GB a émis en 2013 un souverain pour un bloc de 200 millions de livres sur 10 ans avec un yiel maturity, l’équivalent du coupon conventionnel de 2%.
La Tunisie pourrait ne pas avoir cette chance car notre rating ne nous serait pas très favorable.
A propos du fonds souverain de finance islamique, l’ancien ministre y est favorable en principe. Il était lui-même sur le point de promouvoir un fonds similaire qu’il avait déjà baptisé “Fonds Ajyal“, mais il n’a pas vu le jour, car la Troïka, en arrivant au pouvoir, a abandonné le projet.