Les propositions sur les grandes réformes du Conseil des analyses économiques, think tank gouvernemental, et de l’ASECTU (Association des économistes tunisiens) confirment la lutte sourde que se livrent économistes proches et démarqués du gouvernement.
«Nous étions en réunion avec le chef du gouvernement pour lui remettre le rapport sur le programme des grandes réformes qu’il avait demandé depuis deux mois et dont il avait déjà dévoilé quelques éléments lors de la présentation du programme de son gouvernement à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP)».
En exposant vendredi 19 février les fruits du travail de l’équipe d’économistes qu’il dirige, Taoufik Rajhi, ministre-conseiller auprès du chef du gouvernement chargé du suivi des Réformes majeures, et président du Conseil des analyses économiques (CAE), un think tank gouvernemental, paraissait soucieux de prouver que cette initiative n’était guère dictée par la conjoncture, ni dans son contenu ni dans son timing. Ce qu’on a du mal à saisir, car cette présentation s’est produite entre deux évènements dont elle peut difficilement être déconnectée: la visite d’une délégation du Fonds monétaire international (FMI) et le Forum du futur organisé les 24-25 février 2016 par l’Association des économistes tunisiens sur le thème «les grands choix économiques et sociaux afin de soutenir le processus démocratique en Tunisie».
Le gouvernement a pressé ses économistes de remettre rapidement leur copie probablement pour éviter d’essuyer une nouvelle accusation de n’avoir fait rien ou presque en matière de réformes.
Les reproches de Lagarde…
Lors de sa visite en Tunisie en septembre 2015, Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international, ne s’était pas privée, d’après nos informations, de reprocher aux autorités tunisiennes de ne pas avoir respecté leurs engagements –pris lors de la conclusion de l’accord Stand-by en 2013- en matière de réformes.
Elle le leur avait également rappelé de manière plus diplomatique en publique en déclarant être «plus que jamais convaincue que la Tunisie doit entreprendre résolument l’étape suivante de sa transition économique et sociale vers une croissance durable et généralisée. Pour maintenir la croissance et créer des emplois, un système bancaire solide, un État et une fonction publique plus efficaces, un système fiscal équitable et performant, des dépenses publiques orientées vers l’investissement, un climat des affaires plus propice à la prise de risque des investisseurs et un dispositif de protection sociale moderne seront autant d’atouts nécessaires».
Le gouvernement surprend le FMI…
On comprend donc que Taoufik Rajhi ne boude pas son plaisir et déclare que l’équipe du CAE a cette fois-ci surpris la délégation du FMI en mettant ses propositions sur la table. «Les responsables du FMI ont l’habitude de nous présenter leur matrice des réformes qu’on discutait. Cette fois-ci, ils ont été surpris de voir que nous avions la nôtre».
Mais en dévoilant ses propositions le 19 février, le think tank gouvernemental voulait peut-être aussi brûlé la politesse à son concurrent, l’ASECTU. Cette éventualité est d’autant plus plausible que la fracture au sein de la famille des économistes ne date pas d’aujourd’hui. Celle-ci s’est en effet déclarée en 2012, sous la Troïka, lorsque les économistes proches du gouvernement se sont regroupés au sein du Cercle des économistes de Tunisie (CET), présidé par Taoufik Rajhi, et ont développé une analyse de la situation de l’économie tunisienne et proposé des remèdes aux antipodes de ceux de l’ASECTU, beaucoup plus démarquée de La Kasbah.