«L’investissement ne se déclenche pas en appuyant sur un bouton». Celui qui exprime cette profession de foi parle en connaissance de cause.
Il s’agit de Nafaa Ennaifer, président de la Commission des affaires économiques de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA) qui, lors d’une récente conférence sur la loi de finances 2016, organisée par l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE), qui, en cette occasion, a laissé éclater sa colère, sa déception et sa frustration. Tous sentiments négatifs provoqués en lui par les conditions faites aujourd’hui en Tunisie aux entreprises et aux entrepreneurs.
Nafaa Ennaifer constate que «tout le monde parle des mesures prises –notamment dans la loi de finances 2016- pour inciter les opérateurs économiques privés à investir, mais personne ne semble conscient –en particulier, selon lui, le gouvernement et la société civile- que ces mesures sont certes nécessaires mais insuffisantes» pour obtenir le résultat escompté. Car, selon lui, l’investissement ne se commande pas mais «est la résultante d’un environnement propice». Qui fait aujourd’hui défaut en Tunisie. Et cette absence, le président de la Commission des affaires économiques de l’UTICA l’impute notamment au manque de courage des responsables politiques et la non-application de la loi.
Oser dire la vérité…
Le manque de courage, d’abord. A ce sujet, le responsable de la centrale patronale reproche aux pouvoirs publics de ne pas oser clamer haut et fort certaines vérités. Notamment de ne pas «déclarer que l’Etat ne peut plus employer tout le monde», de ne pas «rappeler que si dans certaines régions il y a une demande d’emplois on y trouve également des emplois non pourvus», de ne pas dire que «les gens ne cherchent pas un emploi mais un salaire» et, enfin, de ne pas faire remarquer qu’«on parle des emplois à créer mais pas de ceux qu’on détruit».
Pour illustrer son propos, M. Ennaifer cite, comme exemple de destruction d’emplois, le cas de la société Sonesse Mode qui a récemment cessé son activité pour cause de troubles sociaux, mettant ainsi au chômage ses 350 employés.
Le respect de la loi…
La non-application de la loi, ensuite. Un fait que regrette le président de la Commission des affaires économiques de l’UTICA. «L’Etat ne fait pas respecter le droit au travail», souligne-t-il. M. Ennaifer a en tête deux cas qui illustrent cela.
Le premier est celui de l’usine de Safia au Kef dont les 120 employés «sont privés de travail par une centaine de personnes à être embauchées».
Le deuxième provient de Ksar Saïd où, pour les mêmes raisons, les entreprises implantées dans cette zone industrielle sont empêchées de fonctionner normalement. Sans que les autorités ne bougent le petit doigt. «Sollicité pour intervenir afin de mettre fin aux troubles, le gouverneur de La Manouba a refusé d’agir au motif qu’il n’a pas reçu d’ordre en ce sens», s’insurge Nafaa Ennaifer.
Conclusion du cri du cœur du représentant de l’UTICA: «On peut continuer à parler d’investissement, mais il n’y aura rien tant qu’on ne règlera pas ces problèmes».