La profession s’insurge. L’Etat compromet les termes du partenariat public-privé. Il y a délit de booting, car on n’est plus sur un cadre “gagnant-gagnant“. Le bogue n’est pas loin.
Ils pourraient reprendre à leur compte le slogan de Maggie Thatcher laquelle, en arrivant au 10, Downing Street, signifiait aux Anglais que ce sera dur en disant “Labour is not working“.
Les professionnels des SSII de l’IT sont en colère et ils le font savoir, en réunissant un point de presse ce vendredi 4 mars, chez eux, dans leur fief, pour se mettre en posture de combat au siège de l’UTICA. Ils font savoir que le travail ne marche pas du tout. Le pays a fait un regrettable tête-à-queue. De premier de la classe, il se retrouve distancé par tous ses compétiteurs en Afrique, cela veut dire qu’il n’a plus aucun poids à l’échelle de la Méditerranée et encore moins au plan mondial. Et toute cette agitation alors autour des IT. On serait en train de perdre du terrain et à se complaire à cocooner dans l’univers du zéro papier. L’argument du “réseau est en panne“ est suffisant pour prendre le pouls IT du pays. Il y a écart de gouvernance.
Ils revendiquent la paternité de la feuille de route IT…
Kais Sellami, Karim Ahrés, Tawfik Khelil et Khelil Zahouani, respectivement président et membres du conseil d’INFOTICA, se fondent à interpeller la tutelle, parce qu’ils revendiquent la paternité de la feuille de route IT, c’est-à-dire toute l’architecture du plan numérique tunisien. Oui à deux reprises, à Korba et à Tabarka, ils l’ont concocté avec Mongi Marzouk (alors ministre des Technologies dans le gouvernement de Mehdi Jomaa).
“Tunisie Digitale 2016-2020“ est leur bébé. Ils l’ont structuré en six composantes: e-Gov, infrastructure, e-business, innovation, usages et enfin offshoring.
Ensuite ils lui ont adjoint 62 projets dont la finalité aura été de doter la Tunisie de plateforme de transactions capables de conférer à la place de Tunis un rôle de hub. Dans cette perspective, la profession aurait été en situation de se prévaloir de ce succès sur le marché international et de développer son business en offshoring.
…Et décrètent le délit de gouvernance
Rien de tout cela n’est appliqué ou presque. Le e-tourisme est encore au stade zéro. Le projet e-santé dont l’étude aurait dû être terminée en septembre 2015 est au point mort. A ce retard vient s’ajouter du cafouillage. Tunisie Digitale prévoyait de basculer tout le réseau à la fibre optique pour le haut débit, ensuite de s’attaquer à la 4G. Or, on voit que la 4G est amorcée en même temps. Sa négociation ne semble pas avoir été optimisée du point de vue des professionnels parce que l’Etat aurait pu tirer davantage en demandant une compensation commerciale aux fournisseurs d’équipements. Ils le disent et le répètent: ça ne marche pas et c’est pour cela qu’on est mécontent.
L’impératif d’horizontalité
La profession pensait avoir fait les choses en règle. Elle jure ses grands dieux qu’elle a été à l’origine du Conseil supérieur de l’informatique qui se compose de neuf ministres en plus des représentants de la profession. Le concept voulait diffuser la culture de l’horizontalité pour créer une synergie collective de sorte à ce que les services publics basculent vers la e-prestation.
Le conseil, cadre idéal pour la concertation entre l’Etat et la profession, ne s’est réuni que deux fois. Et depuis, le ministère des Technologies de la communication et de l’Economie numérique fait cavalier seul retrouvant les vieux réflexes de la décision hiérarchique verticale.
La profession considère qu’il y a rupture du contrat moral de dialogue. L’Etat redevient puissance publique et décide seul. Et fatalement il tombe dans le “dysgouvernance“.
Ne pouvant activer la structure du dialogue, qu’était le Conseil supérieur du numérique, alors la profession s’exprime sur la place publique via les médias. Leur plaidoyer ne manque pas de rigueur. La première de leurs revendications serait de convertir le ministère des Technologies en ministère de l’Economie numérique, et cela ne manque de bon sens.