Tout le monde en convient: la Tunisie n’a pas une croissance économique suffisante pour résoudre tous ses problèmes et plus particulièrement celui du chômage; un fléau qui affecte aujourd’hui plus de 612.000 personnes -soit 15,3% d’une population active de 4 millions d’individus- parmi lesquels 242.000 diplômés du supérieur (32% du total).
Le Fonds Monétaire international (FMI) l’a encore une fois rappelé récemment dans un rapport intitulé “Tunisia’s growth potential: recent trends, contraints and opportunities for the future” (Potentiel de croissance de la Tunisie: tendances récentes, contraintes et opportunités pour l’avenir).
Les experts du FMI, qui ont élaboré cette étude, ont identifié trois facteurs bloquant la croissance de l’économie tunisienne: le manque d’accès à la finance, l’inefficience des institutions publiques et une législation du travail contraignante.
Le faible accès au financement, d’abord. Selon le rapport, les entreprises tunisiennes citent ce facteur comme la contrainte majeure à leur activité durant la décennie écoulée. Il serait imputable au rationnement du crédit par les banques locales qui “délibérément” en limitent l’octroi “à un nombre limité de clients sélectionnés”.
L’inefficacité des institutions publiques, ensuite. D’après les experts du FMI, il manque à la Tunisie “des institutions efficaces pour garantir la transparence et la redevabilité. Pour eux, les barrières juridiques et les pratiques anti-concurrentielles -notamment à travers les exigences excessives pour l’approbation et l’interdiction de l’investissement dans certains secteurs, et la tolérance de l’abus de position dominante- ont pour effet de limiter la croissance. Aussi ces experts ne s’étonnent-ils pas que, comparativement à des pays similaires, les performances de la Tunisie soient médiocres en matière de corruption, de protection de la propriété et d’indépendance de la justice.
Une législation du travail contraignante, enfin. Pour le FMI, cette législation “est l’une des plus rigides dans la région MENA (Middle East North Africa)”. Le rapport rappelle à ce sujet qu’au classement global de la compétitivité 2014-2015 du Forum de Davos, la Tunisie est l’un des pays les plus mal lotis en la matière -129ème sur 144 pays- en raison notamment d’une rigide détermination des salaires (119ème), d’un manque de coopération entre travailleurs et employeurs (118ème), et des procédures de recrutement et de licenciement rigides (97ème).
Tout cela n’est pas sans conséquences. En effet, les experts du FMI relèvent que “malgré l’impact positif de la transition politique réussie”, la confiance des investisseurs fait défaut et “les agents économiques semblent beaucoup plus prudents que par le passé en ce qui concerne leurs décisions d’investissement et de consommation”.
Les solutions préconisées par le FMI
Pour sortir de cette situation et “débloquer le potentiel de croissance”, le rapport du FMI suggère d’améliorer l’accès au financement et de favoriser le développement du marché financier notamment en renforçant les systèmes d’information des banques “pour permettre aux prêteurs de mieux évaluer la solvabilité des emprunteurs”, et aligner les régimes d’insolvabilité et de justice sur les meilleures pratiques internationales; ce qui aura pour effet d’améliorer l’accès au crédit et son coût.
Deuxième action recommandée: la promotion d’un “environnement des affaires plus compétitif” et “la réduction des distorsions de marché”. Ce qui nécessite un secteur public “soutenant et non dominant”. Dont le rôle doit être rééquilibrée en particulier par une réduction de la corruption, de la bureaucratie pour baisser le coût de l’investissement, la promotion du règne de la loi, la bonne gouvernance et le renforcement de la justice “pour décourager la corruption et le copinage”, et l’amélioration de l’efficacité des entreprises appartenant à l’Etat -y compris en réduisant leur protection-, y compris les banques publiques.
L’amélioration des institutions et de la flexibilité du marché -avec de meilleures procédures et recrutement et de licenciement- et une plus grande participation de la force de travail féminine peuvent, selon les experts du FMI, respectivement “avoir une forte influence sur le chômage de moyen terme” et une plus grande participation de la force de travail féminine et contribuer à la croissance de l’emploi.