16 milliards d’euros échappent aux PME à cause des retards de paiement
Selon l’Observatoire des délais de paiement, qui publie son nouveau rapport ce lundi, plus d’une grande entreprise sur deux règle ses fournisseurs avec retard. Bercy promet un nouveau renforcement de la lutte contre cette mauvaise pratique.
Les «petites retards» de paiement s’accumulent pour les entreprises depuis mi-2014. C’est ce que constate l’Observatoire des délais de paiement dans un nouveau rapport remis ce lundi au ministre de l’Économie, Emmanuel Macron. Malgré une baisse régulière des délais de paiement ces dernières années, «la situation demeure dégradée dans certains secteurs dont celui de la construction», expliquent les auteurs. Le document confirme l’ampleur du manque à gagner en termes de trésorerie pour les PME, à savoir 16 milliards d’euros par an. Le trou s’élève à 4 milliards d’euros pour les ETI (entreprise de taille intermédiaire).
Les mauvais payeurs sont généralement les grandes entreprises. Plus d’une sur deux règle ses fournisseurs avec retard contre une PME sur trois. «De même les grands retards, supérieurs à 2 mois, sont proportionnellement deux fois plus nombreux chez les grandes entreprises que chez les PME», souligne le rapport. En cause, selon l’Observatoire: une mauvaise gestion de la chaîne de paiement mais plus souvent, un rapport de force entre gros clients et petits fournisseurs défavorable à ces derniers. Certaines grandes sociétés ont intégré dans leur comptabilité cette mauvaise pratique qui leur permet d’optimiser leur trésorerie au détriment de leurs partenaires commerciaux.
La loi de modernisation de l’économie (LME) a plafonné en 2008 les délais de paiement à 60 jours maximum à partir de la date d’émission de la facture (ou 45 jours fin de mois). Et pourtant, en 2014, 32% des entreprises ont un délai clients moyen supérieur au seuil de 60 jours de ventes. Elles sont 29% à payer leurs fournisseurs après 60 jours d’achats (comme le montre le graphique ci-dessous). Depuis la LME, «la proportion de retards s’est stabilisée à un niveau qui reste très élevé», déplore le rapport.
Les mauvais payeurs se trouvent aussi du côté de l’État. Les ministères de la Culture, de la Justice, de l’Écologie et celui de la Défense font figure de mauvais élève. Certaines grandes collectivités, soumises à un délai de paiement maximum de 30 jours, sont aussi adeptes des retards de paiement. La situation est également très tendue dans les hôpitaux malgré un délai dérogatoire de 50 jours.
Problème: les entreprises, notamment les plus petites, sont peu nombreuses à réclamer leur argent de peur que cette démarche ne nuise à leurs relations commerciales. Or d’après l’Observatoire, les conséquences sont dramatiques. Si les retards de paiements sont trop nombreux et/ou trop importants, «les problèmes de trésorerie qu’ils engendrent se doublent d’un manque de visibilité et d’un renforcement d’incertitude qui peuvent provoquer des attitudes attentistes dans la gestion de l’entreprise». À partir de 30 jours de retard, la probabilité de défaillance est même multipliée par six. L’an dernier, le cabinet Altares affirmait que sur les 62.000 défaillances d’entreprises enregistrées sur une année, 15.000 étaient dues à des retards de paiement. Ces «comportements retardataires» font peser un risque sur l’ensemble de l’économie, prévient l’Observatoire.
Renforcer la lutte
Pour lutter contre ce fléau économique, la loi Hamon de 2014 avait déjà instauré un renforcement des contrôles par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et des amendes pouvant aller jusqu’à 375.000 euros. L’an dernier, la DGCCRF a ainsi contrôlé plus de 2567 entreprises et prononcé 110 sanctions.
Emmanuel Macron veut aller plus loin dans le cadre de la loi sur la transparence de la vie économique dite loi Sapin 2. Les contrôles de la DGCCRF seront encore renforcés et élargis aux entreprises publiques. Le plafond des amendes sera porté à 2 millions d’euros et la DGCCRF aura la possibilité de prononcer et d’exécuter cumulativement plusieurs amendes contre les entreprises auteurs de multiples manquements. De plus, toutes les sanctions seront rendues publiques sur le principe du «name and shame». En novembre dernier, cinq grands groupes avaient déjà fait les frais de cette publicité.
Le gouvernement renvoit les entreprises au médiateur chargé de résoudre leurs différends lorsqu’elles rencontrent «des difficultés contractuelles ou relationnelles». L’an dernier, près de 900 médiations ont été réalisées, le non-respect des conditions de paiement constituant le premier motif de saisine.
Les organisations patronales promettent quant à elles d’être plus vertueuses. Le Medef et L’Association française des entreprises privées (Afep) ont mis à disposition de leurs adhérents un guide des bonnes pratiques dans lequel le respect des délais de paiement figure en bonne position.
AFP