Les pays de l’Afrique du Nord, marché d’environ 175 millions de consommateurs, doivent améliorer la compétitivité de leurs économies et réaliser une croissance moyenne de 7% à 8% contre 5% actuellement, pour parvenir à résoudre le problème du chômage et ressentir réellement les effets du développement, tel est le constat des économistes de la Banque africaine de développement, réunis dans un atelier régional, mercredi à Gammarth.
Selon le rapport 2015 sur la compétitivité en Afrique, réalisé conjointement par la BAD, le Forum économique mondial, la Banque mondiale et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et dont les conclusions ont été présentées à cet atelier, la Tunisie est classée 92ème, perdant 5 rangs par rapport à son classement précédent, l’Algérie s’est démarquée par la taille de son marché, se positionnant à la 87ème place et le Maroc a réalisé la meilleure performance de la région, occupant la 72ème place mondiale sur 144 pays alors que la Mauritanie, classée 138ème, accuse un retard dans les domaines de l’infrastructure, des institutions et du capital humain.
Le rapport, intitulé “transformer les économies d’Afrique”, met l’accent sur les secteurs de l’agriculture, l’industrie manufacturière et les services. Il recommande aux pays de l’Afrique du Nord de réaliser des efforts substantiels pour rendre leurs productions plus compétitives et met en lumière, à cet effet, les principaux obstacles à la réalisation de cet objectif. Il s’agit de l’inefficacité de l’administration, la corruption, le faible niveau d’intégration à la chaîne des valeurs mondiale et l’accès difficile au financement.
Nécessité de faciliter la création d’entreprises…
Les pays de cette région de l’Afrique, toujours en retard par rapport à d’autres régions telles que l’Asie du sud-est et l’Afrique subsaharienne, doivent aussi faciliter la création d’entreprises agroalimentaires pour augmenter la valeur ajoutée des produits exportés tels que l’huile d’olive, assouplir la réglementation liée au commerce des services, associer davantage le secteur privé à la création d’emplois et mettre en place un plan d’action d’envergure pour concrétiser les accords régionaux et instaurer les zones de libre échange.
D’après le même rapport l’amélioration de la compétitivité devient une obligation et non un choix pour les pays africains. “C’est une obligation pour créer des emplois décents et durables et bien se positionner dans la chaîne de valeurs internationale”.
Une agriculture non compétitive
Sur le plan sectoriel, les économistes, auteurs du rapport, ont cité au nombre des secteurs non compétitifs, celui de l’agriculture, relevant que la région de l’Afrique du Nord n’a pas encore réalisé sa révolution verte.
Jacob Kolster, directeur régional d’Afrique du Nord à la BAD a cité l’exemple de l’huile d’olive tunisienne qu’il qualifie de “pétrole de la Tunisie” et qui peut être valorisée.
“La Tunisie ne profite que de 10% de la valeur de cette denrée précieuse parce qu’elle l’exporte en vrac, alors que l’Italie, par exemple, gagne des parts de marchés internationaux importants, en revendant l’huile tunisienne après sa mise en bouteille”, a expliqué le responsable.
Les services attirent…
Audrey Verdier-Chouchane, économiste de recherche en chef à la BAD, a fait remarquer que dans les pays de la région, les emplois se sont déplacés du secteur agricole directement vers les services sans développer, au milieu, une industrie qui peut créer de nombreux emplois. Cette industrie, agroalimentaire par exemple, reste malgré tout à fort potentiel de création d’emplois».
Des économies peu sophistiquées…
Thouraya Triki, économiste-pays en chef à la BAD, a analysé les spécificités des économies des 6 pays de l’Afrique du Nord, lesquelles demeurent d’un niveau de sophistication faible et d’une croissance toujours en- dessous du niveau d’autres régions du monde.
“Après 2011, ces économies qui se sont trouvées encore dans une conjoncture plus difficile (déstabilisation politique, baisse du prix du pétrole?), ont affiché un ralentissement de croissance et ont vu les taux de chômage augmenter alors que le secteur public se trouve incapable de résoudre à lui seul ce problème”, a-t-elle indiqué.<
Elle a ainsi insisté sur la nécessité d’associer le secteur privé pour relever les défis qui se posent et d’accompagner les entreprises qui ont du mal à croître (un taux de mortalité des entreprises par an, supérieur de 1,7%, à la moyenne mondiale), réitérant l’engagement de la BAD à soutenir le secteur privé dans ces pays dans le cadre de sa stratégie 2013-2022.
Les interventions de la Banque africaine seront orientées d’après elle, vers les initiatives de croissance inclusive et les actions menées par le secteur privé pour l’amélioration du climat d’investissement et des infrastructures.
Durant la période, entre 1963 et 2014, la BAD a approuvé une enveloppe estimée à 26,82 milliards. La Tunisie, l’Egypte et le Maroc sont les premiers bénéficiaires de ces financements.